La Chine est-elle une puissance spatiale ?
Après avoir évoqué dans un précédent article, l'affirmation de la puissance chinoise à l'échelle asiatique, je vous propose de poursuivre la réflexion en changeant d'échelle.
Puissance asiatique, la Chine cherche à s’affirmer de plus en plus sur la scène mondiale. Le lancement d’un programme spatial ambitieux en est une des illustrations.
Il y a 10 ans déjà , la Chine envoyait pour la première fois un homme dans l’espace. Le 15 octobre 2003, en orbite à bord du Shenzhou 5, le taïkonaute Yang Liwei effectuait 14 fois le tour de la Terre ; cet exploit faisait entrée la Chine dans le club très fermé des puissances spatiales. L’envoi de taïkonautes dans l’espace a été depuis réitéré.
Le programme se poursuit et les objectifs sont de plus en plus ambitieux. En décembre 2013, la Chine réussissait du premier coup (1) l’alunissage d’un véhicule automatisé d’exploration au nom très évocateur de « lapin de jade » (2); cet évènement n’avait pas été réalisé depuis 1916.
Désormais la Chine ambitionne d’envoyer un jour un homme sur la lune (vers 2020) mais aussi de mettre au point une station spatiale orbitant autour de la Terre (vers 2023) avant de s’intéresser à l’espace profond.
Le "lapin de Jade" envoie des images du sol lunaire.
La Chine utilise ces prouesses à des fins de propagande interne et externe : le pays veut d’abord surpasser à l’échelle régionale son voisin indien, l’autre grande puissance émergente en Asie. Elle s’affirme aussi sur la scène mondiale comme une puissance technologique ; c’est aussi le moyen d’exalter le sentiment nationaliste auprès d’une population qui connait de fortes inégalités sociales. Il s’agit ainsi de « donner vie à notre Rêve chinois de la renaissance nationale » selon Zhang Zhenrong, directeur du centre de lancement satellitaire Xichang dans la province du Sichuan.
Malgré ces succès évidents, peut-on considérer la Chine comme une véritable puissance spatiale ?
Certaines voix viennent nuancer ses performances technologiques. Ainsi, Isabelle Sourbès-Verger, chercheur au CNRS et spécialiste des politiques spatiales met en évidence le sur-traitement médiatique dont la Chine fait l’objet. Elle l’explique par la peur qu’inspire la montée en puissance de la Chine (3). De plus, la Chine est loin d’avoir rattrapée son retard sur les Etats-Unis et la Russie.
Toutefois, toutes ces réalisations témoignent de la volonté de la Chine de développer leur technologie et d’occuper une place de choix dans les futurs projets spatiaux internationaux. La Chine chercherait avant tout à se faire reconnaître vis-à-vis des autres grandes puissances et en particulier des Etats-Unis. Dénonçant «l'hégémonie américaine» depuis la Seconde Guerre mondiale, Chine nouvelle, l'agence de presse officielle du gouvernement de la République populaire de Chinois, juge qu'«un nouvel ordre mondial devrait être mis en place dans lequel toutes les nations, grandes ou petites, pauvres ou riches pourraient voir leurs intérêts clé défendus et respectés sur un même pied d'égalité»(4).
1. Les États-Unis ont écrasé trois engins sur la surface de la Lune avant de réussir la manœuvre et l'URSS s'y était reprise 11 fois.
2. Le nom fait référence à la mythologie chinoise. Selon la légende, le lapin lunaire vit sur le satellite de la Terre, où il pile l'élixir d'immortalité dans son mortier. L'animal apothicaire a pour compagne Chang'e, la déesse chinoise de la Lune.
3. Antoine Malet, « L'ambitieux programme spatial chinois se poursuit » site web du journal Le Figaro, le 10 septembre 2014
4. Patrick Saint Paul, « Pékin célèbre les dix ans de son premier vol habité » site web du journal Le Figaro , le 14 octobre 2013