Récits d'élèves : l'histoire de mes origines (4)
Les élèves de 1ière 3 participent cette année à un projet Euréka intitulé "Parcours d'immigrés en Ondaine". Depuis le début de l'année, ils ont pu découvrir la place (centrale et trop souvent occultée !) qu'occupent les étrangers dans l'histoire de France !
A cette occasion, je leur ai demandé de mener l'enquête dans leur propre famille et de produire un petit texte racontant l'histoire de leur(s) origine(s) étrangère(s). Au delà de chaque histoire, ce fut l'occasion pour chaque élève de s'interroger sur lui-même et sur les autres et de discuter en famille d'un parcours individuel qui s'inscrit dans une histoire universelle : celle de la migration et du vivre ensemble.
Paul nous raconte l'histoire de ses arrière-grands-parents et de son grand-père
Originaires de Brescia, dans le nord de l'Italie, mes arrière-grands-parents (paternels) sont arrivés en France en 1947 avec mon papy, son petit frère qui était tout jeune et sa sœur. Au lendemain de la guerre la situation était difficile en Italie et le travail était rare.. Le petit frère de mon grand-père (qui aurait pu être mon grand oncle) est mort à l'âge de 3-4 ans environ d'une tumeur au cerveau à cause d'un coup à la tête. Je ne sais pas si c'était pendant le voyage, mais les soins devaient manquer, ils n'ont donc pas pu le soigner...
Mon papy avait alors 7 ans et mes arrière grands parents ne parlaient pas du tout français. Ne parlant que le patois , ils avaient même des difficultés à parler avec les autres Italiens. Mon papy a été scolarisé en France et a appris très vite le français. Même s'il a dû subir quelques remarques racistes (on le traitait parfois de macaroni) il s'est intégré plutôt facilement. Il a été contraint d’arrêter sa scolarité en cm2. En effet mes arrière-grands-parents n'avaient pas les moyens de lui payer le reste de ses études. Très volontaire, mon grand-père avait décidé d'apprendre par lui même en se procurant des livres d'ici de là.
Je ne connais pas vraiment les conditions de leur venue ni de leur arrivée mais je sais qu'ils se sont directement installés aux alentours de Roanne. La plaine du forez était un endroit « idéal » car assez proche de la frontière italienne et le travail à cette époque y était abondant. De plus, des cousins qui venaient du même village étaient partis un an auparavant aux alentours de Roanne. Mon arrière-grand-père a commencé à travailler en tant que maçon . Ils vivaient dans un appartement à proximité des Prandi (leurs cousins).
Dès qu'il a eu l'âge, mon grand-père s'est fait embaucher comme gareur dans une usine de textile (il s'occupait de l'entretien des machines). Par la suite il a intégré une grande chaîne de magasins pour réparer des télés : il ramenait des télés cassées chez lui qu'il réparait mais n'en avait pas une pour lui. Entre temps il a rencontré ma grand-mère et se sont mariés. Embauché à un poste plus important à Paris, il a pris du grade jusqu'à pouvoir choisir de retourner à Roanne pour gérer les magasins Carrefour de Mably. Ma grand-mère maternelle travaillait en tant que caissière dans ce même magasin et « connaissait » mon papy paternel alors que mon père et ma mère ne se connaissaient pas encore.
Mon papy aimait l'Italie mais il ne considérait pas ce pays comme le sien. Malgré cela les pâtes à la sauce tomate qui cuisait depuis 8h du matin étaient souvent au menu et il faisait souvent des voyages en Italie pour les vacances. J'ai encore des oncles et des cousins lointain à Brescia.
Arnaud P raconte l'histoire de sa mère
L'histoire de mes origines commence avec ma mère qui est d'origine mauricienne. Elle est née à Vacoas en 1958 et vivait à quelques kilomètres de là. Ainée de sa famille, elle a commencé à travailler à l'âge de 13 ans ; sa famille était très pauvre et vivait à 8 dans une maison composée de 5 petites pièces sans aucun confort et disposant d'un petit terrain. Les conditions de vie étaient très restreintes (mes cousins eux vivent à plus de 10 dans une maison en taule avec à peu près 7 pièces et mes autres cousins vivent à 6 dans une maison normale, moyenne gamme, avec pas mal de confort). Plus tard elle a rencontré mon père (Français), via une organisation nommée «horizon». Ils se sont mariés là-bas en 1988. En février 1989, ma mère a rejoint mon père qui était retourné en France (à Lyon exactement) ; Le billet d'avion étant très coûteux , il a été payé par mes deux parents. Le voyage a duré plus de 12 heures ; plus tard les deux sœurs de ma mère ont elle aussi trouvé un mari en France et sont venues toutes les deux, la première à Vichy et la seconde à Clermont-Ferrand ; ses deux autres sœurs se sont mariées sur l’île Maurice et y sont restées tout comme leur frère.
Une fois arrivés en France, mes parents se sont installés à Roche-la-Molière, à coté du travail de mon père : il était cordonnier chez Intermarché ; ma mère a trouvé du travail à Saint-Étienne comme couturière chez home Spirit où elle s'est très bien intégrée. Mes parents habitaient dans un appartement à la Varenne, où ils n'avaient rien ; ils n'avaient pas d'argent et leur appartement était très peu meublé. ils avaient du mal à survivre, ils sont partis de rien, mais malgré cela ils ont réussi à avoir plus d'argent et à se construire une vie. Plus tard ils ont eu mon frère en novembre 1990 puis ils m'ont eu en juillet 1999. Pour terminer ils se sont achetés une maison au Chambon-Feugerolles en 2003 ; pour mon frère et moi l'enfance à l’école, ou dans les autres activités s'est très bien passée ; on s'est très bien intégré.
Aujourd'hui nous entretenons bien nos liens avec notre famille mauricienne et l'île Maurice : nous leur parlons souvent par Skype ou par Facebook ; ma mère cuisine et parle souvent mauricien ou plutôt créole ; nous sommes retournés 4 fois à l’île Maurice, en 1991, en 2000, en 2010 et en 2013, et nous pensons y retourner en 2018 ; d’ailleurs depuis que ma mère est partie, elle ne reconnaît plus l’île Maurice : elle a extrêmement évolué et elle s'est modernisée grâce au tourisme. C'est devenu une île moderne, mais toujours aussi belle et chaude surtout.