Guerre(s) d'Algérie dans la vallée de l'Ondaine : quand la guerre mène à la guillotine.
Le travail amorcé en Education Morale et Civique (E.M.C.) par les élèves de 1ière 3 du lycée Jacob Holtzer sur le thème Guerre(s) d'Algérie dans la vallée de l'Ondaine s'est achevé aujourd'hui par la visite du fort de Montluc (Lyon) à la fois siège du Tribunal Permanent des Forces Armées (TPFA) de Lyon et prison où étaient incarcérés les membres condamnés à mort des groupes de choc issus des deux mouvements nationalistes rivaux : le Front de Libération Nationale (FLN) et le Mouvement National Algérien (MNA).
Dans l'enceinte de la prison fermée en 2009
En effet, depuis le début de l'année scolaire, cette classe de 1ière S participe à un projet pédagogique financé par la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Ce travail de longue haleine leur a permis de reconstituer la manière dont le conflit a été vécu, dans leur environnement proche, par les différents acteurs impliqués : l'analyse de documents d'époque en classe ou aux archives départementales de la Loire ( coupures de presse, rapports de police, rapports de préfet, documents syndicaux, tracts FLN...) a fait découvrir aux élèves un sujet souvent occulté : la guerre d'Algérie en métropole ; ainsi ils ont pu percevoir comment les deux mouvements nationalistes rivaux luttant pour l'indépendance, FLN et MNA, se sont disputés le contrôle des Algériens venus travailler dans la métallurgie et les puits de mine de l'Ondaine. Cette guerre interne particulièrement violente a fait de nombreuses victimes parmi les Algériens (17 morts dans la vallée de l'Ondaine, uniquement sur la période allant de septembre 1956 à décembre 1957).
A partir de 1958, les membres de ces groupes de choc , lorsqu'ils étaient arrêtés par la police n'étaient plus jugées en Correctionnelle mais par le Tribunal Permanent des Forces Armées (TPFA) de Lyon, un tribunal militaire particulièrement sévère . De 1958 à 1962, 478 membres de groupe de choc ont été jugés par le TPFA et 97 d'entre-eux ont été condamnés à morts. Incarcérés à Montluc, 11 d'entre-eux ont été guillotinés dans l'enceinte de la prison militaire : il s'agit du nombre le plus élevé d'Algériens exécutés en métropole (5 à Paris, 4 à Dijon). Parmi eux, se trouvaient deux membres de groupe de choc issus de la vallée de l'Ondaine.
Dans le couloir de la mort
Ce sont ces parcours de vie que les élèves sont venus découvrir à Montluc aujourd'hui. Après un rapide rappel sur l'origine de la prison et son rôle dans l'historie de la Seconde guerre mondiale, le guide a présenté la place de la prison de Montluc dans le système répressif français durant la guerre d'Algérie. Les élèves ont pu découvrir les conditions de détention mais aussi la manière dont les détenus mettaient à profit leur incarcération pour poursuivre leur lutte pour l'indépendance et apparaître aux yeux de la justice et de l'opinion publique, non comme des terroristes mais comme des prisonniers politiques. Dans ce couloir de la mort, les détenus vivaient dans des cellules de 4 m² dans l'attente matinale de la venue du bourreau. C'est dans l'enceinte même de la prison que la guillotine était dressée ; à l'abri des regards extérieurs et en présence de leur avocat, le condamné était exécuté au petit matin ; sa dépouille était ensuite évacuée au cimetière de la Guillotière (carré des condamnés).
Mais la prison de Montluc n'accueillait pas uniquement les condamnés à mort du FLN ou du MNA, une aile était réservée aux femmes qui s'étaient impliquées comme porteuses de valise au profit du FLN.
Après le temps de la visite, il ne reste plus qu'aux élèves à reprendre leurs notes pour produire un bilan de leurs impressions (quelques extraits ci-dessous).
une visite exclusive dans des locaux non encore ouverts au grand public
L'article paru dans le journal Le Progrès - 04 février 2018
Vous pouvez lire ci-dessous quelques extraits des comptes-rendus de visite.
Sabri et Rachid :
La visite nous a permis de voir et de comprendre les conditions de vie des détenus ; elle nous a permis de nous rendre compte des moyens utilisés par la France pour venir à bout des mouvements nationalistes présents dans la région. De plus , la visite nous a permis de mettre en relation ce que l'on avait vu en classe et la réalité des choses. Cela a complété le cours.
Lyès, Emma et Alexis :
Les exécutions se déroulaient à partir de 5h du matin (...). Les détenus condamnés à mort par le tribunal militaire (...) sont emmenés dans un petit coin de la prison caché par un rideau pour être guillotinés. La guillotine était dans un coin perdu de la prison pour ne pas montrer la violence mais nous avons ressenti un sentiment perplexe car on a marché sur des endroits où des têtes ont été guillotinées (...). Cette visite nous a permis de voir la vie des détenus ; c'était une visite passionnante et intéressante.
Anissa et Assia :
Nous nous sommes sentis très impliquées par le sujet en raison de nos origines et surtout en voyant la misère dans laquelle nos grands parents devaient certainement vivre.
De plus, même si on en parle pas beaucoup, les femmes ont joué un rôle important dans cette partie de l'histoire et cela fait toujours plaisir de voir reconnaître l'importance des femmes dans une action engagée. (...).
Cette visite a été très bénéfique et nous a permis de mieux comprendre ce que nous avons étudié auparavant. On s'est aussi rendu compte des conditions de vie difficiles dans lesquelles les prisonniers vivaient. De plus, nous avons eu beaucoup de chance car la visite de cette partie du mémorial n'est pas encore autorisée.
Maeva et Astrid :
Le plus choquant a été la façon dont les personnes ont été traitées après avoir été exécutées. Les personnes en charge de les enterrer ont mis le corps dans un cercueil et la tête dans un autre. Ils étaient tous mis au même endroit dans une tombe anonyme. Il n'y avait aucune considération pour eux. (...). Nous avons eu la chance de faire une visite qui n'est pas ouverte à tout le monde. On n'a pu faire le lien avec tous les documents étudiés en classe.
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