L’information imprimée : de la diffusion de l’imprimerie à la presse à grand tirage
Pourquoi parle-t-on d’un âge d’or de la presse écrite entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle ?
Quel est le sort aujourd'hui de la presse écrite ?
1. A partir de l’article ci-dessous et des documents 1 à 3 p. 222/223, identifiez les facteurs juridiques, économiques, sociaux et techniques qui permettent de comprendre pourquoi la presse écrite connaît un véritable essor pour devenir un média populaire au cours du XIX° siècle et au début du XX° siècle.
2. Mettez en évidence les grandes mutations de la presse écrite qui assure son succès au cours de cette période (document 1 -dessous).
3. A l’aide du document 2, mettez en évidence ces grandes mutations en vous appuyant sur l’exemple du Petit journal illustré – supplément du dimanche.
4. Dites en quoi le succès de la presse à grand tirage permet l’émergence d’une opinion publique et accompagne l’évolution des mentalités (document 1 ci-dessous).
5. Complétez votre travail en faisant le point sur la situation de la presse écrite aujourd’hui (documents 3 et 5 p. p. 223 et document 3 ci-dessous).
6. A partir du travail réalisé, faire une présentation orale permettant de répondre à la problématique de départ ; votre présentation aura comme support visuel une « Une » de journal que vous aurez vous-même réalisée. Vous pouvez vous aider du point méthode 3 p. 232
Linotype et rotative - deux progrès techniques majeurs (voir documents 2 et 3 p. 222)
Document 1. L’âge d'or de la presse écrite
A la fin du xixe et au début du xxe, le journal devint un produit de consommation courante. Le rythme de ses progrès fut naturellement très variable selon les nations, et même si les causes fondamentales de son développement restaient les mêmes, la presse de chaque pays prit, en fonction des caractères nationaux et des circonstances historiques, une physionomie originale dont, encore aujourd’hui, bien des traits restent fixés tant les habitudes de lecture prises alors par les masses ont résisté au changement. L’image de la presse dans le monde et les caractéristiques essentielles des formules du journalisme comme de celles du marché de la presse de chaque pays étaient, en 1914, très proches de celles d’aujourd’hui, dans les pays industrialisés du moins, car, en dehors du monde occidental, la presse avait encore bien des progrès à faire ; aussi bien le degré de développement des journaux était, comme il l’est longtemps resté, fonction de l’occidentalisation de leur société.
Ce fut, en plus d’un sens, le véritable âge d’or de la presse : son marché était en expansion constante et elle n’avait pas, sauf peut-être en France, atteint son point de saturation. Surtout la presse écrite n’avait alors à craindre aucune concurrence car elle était le seul moyen d’information collectif.
I. Les facteurs et les caractéristiques des progrès de la presse
1. Les causes fondamentales
Elles restaient les mêmes que celles de la période précédente : généralisation de l’instruction (1), démocratisation (2) de la vie politique, urbanisation croissante, développement des transports et des moyens de transmissions (3) et, en conséquence directe, élargissement du champ d’information des journaux et de la curiosité de leurs lecteurs, mais aussi abaissement du prix de vente, tant direct par l’alignement sur celui des feuilles populaires, qu’indirect par la lente élévation du niveau de vie moyen des masses.
Le progrès des techniques de fabrication ne fut pas, comme pour la période précédente, marqué par des bouleversements fondamentaux mais par des perfectionnements continuels qui accrurent le rendement des presses et abaissèrent le prix de revient des matières premières et les coûts. Les rotatives (document p. 220 et document 2 p. 222) prirent des dimensions considérables et purent sortir des journaux à la pagination abondante, à un rythme accéléré. En 1914, les rotatives modernes assuraient, en plusieurs sorties, l’impression de quelque 50 000 exemplaires de journaux de 24 pages à l’heure (document 3 p. 223).
La composition subit cependant une véritable révolution par la découverte des composeuses mécaniques : de nombreux modèles virent le jour au milieu du xixe siècle, mais c’est la Linotype (document 1 p. 222) mise au point en 1884 à Baltimore par Ottmar Mergenthaler qui s’imposa, malgré les résistances en Europe des ouvriers typographes et des fondeurs de caractères.
L’illustration : la photographie fut découverte dans la première moitié du xixe siècle, mais sa reproduction imprimée fut beaucoup plus tardive. Pendant longtemps elle servit seulement à fournir des modèles aux ouvriers graveurs ou lithographes. La mise au point de la photogravure chimique vers 1850 permit une diversification des méthodes d’impression à grand tirage. Pour la typographie, l’impossibilité de rendre les gris des photos ne fut surmontée qu’après l’invention, d’après un principe mis au point par W. H. Fox Talbot en 1852, de la similigravure par l’Allemand Georg Meisenbach en 1882 et l’Américain F. E. Ives en 1885. Grâce à une trame, les clichés étaient désormais composés d’un grand nombre de points de densité variable qui pouvaient être facilement reproduits sur les formes de la composition.
La gravure en creux trouva son utilisation pratique pour les presses rapides grâce à l’héliogravure qui permettait de graver directement les cylindres de rotatives spéciales. Sa mise au point en fut lente et progressive : en 1895, à Manchester, le Tchèque K. Klic et S. Fawcett lancèrent la première rotative moderne à impression héliographique. Quant à la lithographie, toujours aussi utilisée et où le zinc en remplaçant la pierre permit l’utilisation de la rotative, elle donna naissance au début du xxe siècle, après bien des échecs, à l’offset (de l’anglais : décalque) dont on peut attribuer le mérite définitif à l’Américain I. W. Rubbel : ce système d’impression sans relief n’avait encore en 1914 que peu de développement.
La transmission des clichés photographiques par fils ou ondes fut mise au point en 1907 en Allemagne par Korn et en France par Eugène Belin qui perfectionna son appareil. Le premier bélinographe publié par la presse le fut par Le Journal, le 13 mai 1914 : il représentait l’inauguration de la Foire de Lyon, par Poincaré. Il avait été transmis en quatre minutes par fil téléphonique.
2. Les transformations des journaux
Les énormes progrès quantitatifs de l’audience de la presse eurent des effets considérables sur la présentation des journaux et la diversification de leurs catégories.
La pagination augmenta considérablement, surtout dans les pays anglo-saxons où l’abondance croissante de la publicité fut un des moteurs de cette évolution. En France, les progrès furent au contraire relativement lents : si la « petite » presse à 5 centimes retrouva de 1887 à 1890 le format des « grands » journaux, ce n’est que vers 1899-1903 que les feuilles à grand tirage passèrent à 6 pages ; en 1914, leur pagination moyenne était de 8 à 10 pages contre 20 et plus pour les journaux anglais, américains et allemands.
La mise en page évolua vers une plus grande variété. C’est aux États-Unis que la grille immuable des colonnes fut pour la première fois brisée. À son exemple, les grands titres se multiplièrent, puis dès 1885-1890 les illustrations et après 1900 les photos, même si la mauvaise qualité du papier journal rendait ces premiers clichés presque indéchiffrables.
Un des effets de la révolution industrielle et technique de la presse dans la seconde moitié du xixe siècle fut, d’une part, la différenciation croissante des types de quotidiens – journaux populaires et journaux de qualité, journaux d’abonnés de moins en moins importants et journaux vendus au numéro, journaux spécialisés (sports, finances, vie littéraire…) –, et, d’autre part, le développement considérable de la presse périodique, des magazines divers aux revues de doctrine en passant par les feuilles spécialisées, des journaux féminins aux feuilles pour enfants.
3. L’évolution du journalisme
La démocratisation de la presse et l’augmentation de la pagination transformèrent autant le style que le contenu des journaux. Les nouvelles, celles de la grande comme celles de la petite actualité, prirent une place considérable dans les journaux et le journalisme de reportage se substitua au journalisme de chronique. C’est surtout aux États-Unis que ces formules nouvelles furent exploitées jusqu’à l’abus. Le goût du grand public et les contraintes de la concurrence entre les titres conduisaient à l’exploitation du sensationnel par des campagnes de presse dont les prétextes étaient trouvés le plus souvent dans la politique : ces campagnes eurent souvent une influence considérable sur la vie politique des nations démocratiques et détournèrent parfois les revendications de l’opinion vers des problèmes secondaires au détriment des réformes de structures dont la complexité et le caractère abstrait se prêtaient moins bien à l’exploitation journalistique. Au total, si le récit et le commentaire de l’actualité continuaient à répondre à la naturelle curiosité des lecteurs, les rubriques de vulgarisation accroissaient leur champ de connaissance, et surtout les récits de fiction, les jeux, la présentation des spectacles de toute nature faisaient des journaux et, de plus en plus, des instruments de divertissement.
La concurrence conduisit les journaux à flatter des goûts nouveaux de leur public en patronnant des épreuves sportives – les premières courses cyclistes, automobiles, et les premiers exploits de l’aviation ont été stimulés par les journaux – et en lançant des concours.
L’augmentation de la pagination permit d’abord un meilleur ordonnancement des rubriques, puis la création dans les quotidiens de pages spécialisées, dont un des premiers soucis fut de retenir le public féminin, moins sensible aux informations de la grande actualité politique nationale ou internationale. Cet élargissement du contenu et de l’audience des journaux fit de la presse l’instrument indispensable de l’adaptation des mentalités et des modes de vie à l’évolution des sociétés industrielles.
4. Le marché de l’information et le progrès des agences de presse
Dans un monde désormais élargi aux dimensions du globe, l’ampleur de la collecte des informations et le coût de leur diffusion rendaient indispensable le recours aux services des grandes agences télégraphiques et favorisaient leur tendance à monopoliser le marché des nouvelles. Seuls quelques rares grands journaux étaient assez puissants pour entretenir leur propre réseau de correspondants particuliers et pour envoyer des reporters suivre les grands événements.
L’Agence Havas se constitua en société anonyme en 1879 ; sa branche publicité, qui était en rapports étroits avec la Société générale des annonces, était animée depuis 1900 par Léon Rénier. Elle ne cessa de poursuivre, sur le plan international, une politique d’entente avec l’Agence Reuter, l’Agence Wolff et l’Associated Press, qui fut confirmée par des accords de 1889, 1899 et 1909. Mais cette dernière, à la veille de la guerre, commençait à vouloir reprendre sa liberté d’action. L’Agence Wolff était étroitement contrôlée par le gouvernement allemand. Le développement de l’Agence Reuter fut en rapport avec la dispersion et l’importance des intérêts anglais dans le monde, et avec la grandeur du réseau des câbles anglais qui faisaient de Londres la plus grande place mondiale du monde des nouvelles. Aux États-Unis, l’Associated Press qui fut réorganisée en 1892 ne put, comme ses alliés européens, monopoliser en fait le marché ; agence coopérative, elle ne pouvait servir un nouveau journal sans l’accord des autres : elle ne pouvait donc avoir qu’un seul associé dans chaque ville. Bien d’autres agences tentèrent de la concurrencer, comme la première United Press née à Chicago en 1883, mais ce furent surtout la seconde United Press lancée en 1907 dans le sillage du groupe de journaux Scripps – Mac Rae et l’International News Service, fondée par Hearst en 1909, qui contestèrent sa puissance.
D’après Pierre Albert, Chapitre V. Le développement de la presse populaire à grand tirage (1871-1914),
Histoire de la presse, collection Que sais-je ? , PUF, 2010
1. Avec les progrès de l’instruction, un large public de lecteur s’est constitué ; on estime ainsi qu’en 1870, le taux d’alphabétisation dans l’empire allemand est de 88% ; avec l’adoption des lois Ferry en 1881-1882 et la mise en place d’une école laïque, gratuite et obligatoire, la France a pu rattraper son retard et 95% des Français savaient lire à la veille de la Première Guerre mondiale.
2. Le renforcement de la liberté de la presse a facilité la multiplication des journaux ; théoriquement garantie en France par la déclaration des droits d’Homme et du citoyen, il a fallu attendre les lois de 1881 pour qu’elle soit inscrite dans la loi. Désormais les journaux peuvent paraitre librement, sans autorisation préalable.
3. Le chemin de fer a connu au XIX° siècle un essor considérable ; 1 million de km de voies ferrées recouvraient la planète en 1914 tandis que la mise au point du moteur à explosion a permis l’essor de l’automobile et de l’aviation. L’invention du télégraphe électrique puis du téléphone ont favorisé l’essor des télécommunications. Ces progrès permettent de raccourcir les distances et d’accélérer la diffusion de l’information.
Document 2. Le Petit journal illustré (supplément du dimanche)
Connectez-vous à l’adresse suivante : http://expositions.bnf.fr/presse/gallica/01.htm puis sélectionnez les numéros du 5 octobre 1884 et du 07 janvier 1912 du Petit journal illustré (supplément du dimanche)
Document 3. La presse va-t-elle mourir ? (France 2, 06 septembre 2015)
La multiplication des journaux gratuits (20 minutes, Direct, Métro Matin) et l’essor du numérique vont-ils entraîner la disparition de la presse écrite ?
Pour aller plus loin