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Lancé en 2006, ce blog pédagogique d'histoire-géographie et d'éducation morale et civique (E.M.C.) tire son nom d'un terme issu du parler gaga (le parler stéphanois) ; le cafuron (window in english !) est une lucarne ou un oeil de boeuf éclairant un réduit. Ce blog s'adresse tout autant aux élèves du lycée Jacob Holtzer (Firminy- Loire) qu'à un public plus large. Bonne visite !

20 Feb

Quels sont les différents enjeux liés à la transformation de Sainte Sophie en mosquée ?

Publié par Louis BRUN  - Catégories :  #Histoire-Géographie-Sciences Politiques - Géopolitique

Étude critique de document(s) : Les différents usages du patrimoine

 

En analysant les documents, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, répondez à la question suivante : quels sont les différents enjeux liés à la transformation de Sainte Sophie en mosquée ?

Document 1. Le président turc Tayyip Erdogan, adresse un message télévisé à la nation, le 10 juillet à Ankara, avec une photo de Sainte-Sophie en arrière-plan. PRESIDENTIAL PRESS OFFICE / REUTERS

 

« Aujourd’hui, la Turquie s’est débarrassée d’une honte. Sainte-Sophie vit à nouveau une de ses résurrections, comme elle en a déjà connu plusieurs. La résurrection de Sainte-Sophie est annonciatrice de la libération de la mosquée Al-Aqsa », à Jérusalem, a déclaré le président turc. « Elle signifie que le peuple turc, les musulmans et toute l’humanité ont de nouvelles choses à dire au monde. »

Quels sont les différents enjeux liés à la transformation de Sainte Sophie en mosquée ?

Document 2. Le président turc Recep Tayyip Erdogan à la reconquête de Sainte-Sophie.

 

Le 24 novembre 1934, Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la jeune République turque, versait la basilique-mosquée de Sainte-Sophie au pot commun de l’humanité, en décrétant sa transformation en musée. Quatre-vingt-six ans plus tard, vendredi 10 juillet 2020, le président Recep Tayyip Erdogan a rendu le joyau d’Istanbul au culte musulman, pour le plus grand bonheur des franges les plus religieuses de son électorat et de ses alliés d’extrême droite.

Saisi par une association menant depuis une quinzaine d’années un combat pour le retour à l’islam de tous les lieux de culte musulmans déconsacrés pendant les premières décennies de la république laïque, le Conseil d’Etat a annoncé vendredi qu’il invalidait le décret signé par Atatürk au motif que Sainte-Sophie, devenue une mosquée après la prise de Constantinople par Mehmet le Conquérant, en 1453, ne pouvait pas être utilisée à d’autres fins que celle qui lui avait été assignée par le sultan. (…).

Sur le parvis de Sainte-Sophie, la décision présidentielle a été accueillie avec allégresse par quelques centaines de personnes, qui ont scandé en cœur « Dieu est grand » avant de se recueillir pour la prière du soir. Elle a en revanche été critiquée par plusieurs institutions et capitales, notamment dans le monde orthodoxe, où l’ancienne basilique du VIe siècle, lieu du couronnement des empereurs byzantins, compte comme un centre spirituel de première importance.

« C’est une provocation envers le monde civilisé, a dénoncé, quelques minutes après l’annonce, la ministre grecque de la culture Lina Mendoni. Le nationalisme dont fait preuve le président Erdogan ramène son pays six siècles en arrière. » Le ministre grec des affaires étrangères, Nikos Dendias, a lui aussi réagi à chaud sur Twitter en désignant cette action du régime turc comme une « provocation pour le patrimoine culturel mondial ». « La Grèce condamne avec la plus grande fermeté la décision de la Turquie. (…) Non seulement cela va impacter les relations entre la Grèce et la Turquie mais aussi celles de cette dernière avec l’Union européenne, l’Unesco et toute la communauté mondiale », a pour sa part commenté le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis.

La décision turque survient dans un contexte de fortes tensions entre Athènes et Ankara sur l’exploitation des ressources en hydrocarbures de la Méditerranée orientale et la gestion de la question migratoire, la Turquie ayant encouragé cet hiver des milliers de migrants à traverser la frontière grecque.

Le primat de l’orthodoxie, le patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée Ier, avait défini le mois dernier le musée de Sainte-Sophie comme un « symbole de la rencontre, de la solidarité et de la compréhension mutuelle entre le christianisme et l’islam ». Le transformer en mosquée « pourrait dresser des millions de chrétiens dans le monde contre l’islam », avait-t-il prévenu. La police grecque était sur le pont vendredi soir pour protéger les représentations turques en Grèce.

La décision a également été déplorée à Moscou. « Nous constatons que l’inquiétude des millions de chrétiens n’a pas été entendue », a réagi le porte-parole de l’Eglise russe, Vladimir Legoïda. Mercredi, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, avait exhorté la Turquie « à continuer à conserver Sainte-Sophie comme musée, en tant qu’illustration de leur engagement à respecter les traditions cultuelles et la riche histoire qui ont façonné la république turque, et à assurer qu’elle demeure ouverte à tous ».

L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), qui compte Sainte-Sophie sur ses listes du Patrimoine mondial de l’humanité, a indiqué dans un communiqué qu’elle « regrette vivement la décision des autorités turques, prise sans dialogue préalable, de modifier le statut » de la basilique-musée.

Le président turc a cependant prévenu, vendredi soir, que les récriminations n’infléchiraient pas sa détermination, l’usage que la Turquie fait de Sainte-Sophie « relevant de ses droits souverains ». La reconversion de l’édifice en mosquée est un cheval de bataille de l’islam politique turc, dont est issu le chef de l’Etat, depuis plusieurs décennies.

En 1967 déjà, l’Union nationale des étudiants turcs (MTTB), une organisation nationaliste et islamiste dans laquelle M. Erdogan a fait ses classes politiques, avait investi le monument pour y organiser une prière collective. Dans son adresse télévisée, il a aussi cité un de ses auteurs favoris, l’intellectuel conservateur Osman Yüksel Serdengeçti, annonçant l’avènement d’un « Deuxième Conquérant » qui rendrait Sainte-Sophie à l’islam. « Ce jour est arrivé », a-t-il ajouté avec émotion.

« Il ne faut pas réduire cette décision à l’islamisme du parti présidentiel », tempère toutefois le chercheur Jean-François Pérouse, ex-directeur de l’Institut français d’études anatoliennes (IFEA) d’Istanbul. « Il y a aussi une temporalité plus récente à l’œuvre, liée à la grande alliance entre ce parti et l’extrême droite, qui est plus vigilante sur ces questions », commente-t-il.

En perte de vitesse depuis 2015, le Parti de la justice et du développement (AKP) du président Erdogan a conclu, pour se maintenir au pouvoir, une alliance avec le Parti de l’action nationaliste (MHP), une formation plus laïque que religieuse, qui a conduit Ankara à faire siens les thèmes privilégiés de l’extrême droite : fermeté, voire bellicisme dans la conduite des affaires étrangères et exaltation de l’identité islamo-turque sur la scène nationale. D’où la volonté portée par Erdogan d’une renaissance d’inspiration « néo-ottomane », qu’incarne à merveille la reconversion de Sainte-Sophie.

 

Jean-François Chapelle,

En Turquie, Recep Tayyip Erdogan ordonne la reconversion de Sainte-Sophie en mosquée,

Le Monde, 11 juillet 2020

 

Compléments – Dates clés

 

27 décembre 537 : inauguration de Sainte-Sophie

La basilique Sainte-Sophie voit le jour au VIe siècle sur une demande de Justinien. L'empereur romain souhaite une nouvelle basilique qui témoigne de sa gloire et de la grandeur de Constantinople, "la nouvelle Rome". Pendant près de 1000 ans, elle devient un des plus grands du christianisme et du monde religieux en général.

29 mai 1453 : la transformation en mosquée

Le 29 mai 1453, les Ottomans prennent Constantinople. Le soir même, le sultan Mehmet II se rend dans la basilique et donne l'ordre de la transformer en mosquée. Par la suite, plusieurs minarets seront ainsi ajoutés. Au fil des ans, l'édifice s'enrichi au gré des donations des sultans. 

1935 : Sainte-Sophie devient un musée

Mustafa Kemal Atatürk, fondateur et premier président de la République de Turquie, décide en 1935 de convertir de nouveau l'emblématique édifice. En 1935, voulant "l'offrir à l'humanité", il décide d'en faire un musée. Aujourd'hui, le monument est l'un des sites de Turquie les plus visités et accueille plus de 3,5 millions de personnes chaque année. Le bâtiment demeure un véritable symbole à la croisée des cultures. 

1985 : Sainte Sophie est classée au patrimoine mondial

L’UNESCO classe au Patrimoine mondial des zones historiques d’Istanbul à l’intérieur desquelles se trouve Sainte-Sophie.

 

Pistes de correction

 

Le sujet centré sur les usages du patrimoine est un exercice transposition permettant de réinvestir les notions acquises durant l’l’introduction et l’axe 1 consacré aux usages sociaux et politiques du patrimoine.

 

La consigne est donc centrée sur un sujet d’actualité : la transformation de Sainte Sophie en mosquée survenue en juillet 2020. Il s’agira d’expliquer cette décision et de montrer à quoi peut servir le patrimoine en s’appuyant sur l’exemple de Sainte-Sophie.

 

L’ensemble documentaire est constitué d’une capture écran de l’intervention du président turc, Tayyip Erdogan, annonçant le 10 juillet 2020 à la télévision sa décision de transformer Sainte-Sophie en mosquée. Cette photo est accompagnée d’un extrait de son intervention télévisée justifiant cette décision.

Le deuxième document est un article de presse de Jean-François Chapelle, En Turquie, Recep Tayyip Erdogan ordonne la reconversion de Sainte-Sophie en mosquée publié dans le journal Le Monde le lendemain de la décision du président turc, le 11 juillet 2020. L’article revient sur les motivations d’Erdogan et insiste sur les réactions internationales.

 

Grâce au cours introductif, vous allez pouvoir définir la notion de patrimoine et l’appliquer à Sainte-Sophie. Vous pourrez dire en quoi elle constitue un élément du patrimoine mondial.  Comme Versailles, Sainte Sophie porte un sens social et politique très fort : elle participe à l’affirmation d’une identité nationale et est un élément de rayonnement international et d’affirmation du soft power.  Comme les frises du Parthénon, c’est aussi un objet de tensions.

 

 

Partie 1. Qu’est-ce que Sainte Sophie ?

 

1. Sainte Sophie, un haut lieu du christianisme et de l’islam

 

On peut reprendre le document annexe pour retracer une brève histoire bâtiment en insistant sur sa portée symbolique (un haut lieu du christianisme et de l’islam)

 

2. Sainte Sophie : Patrimoine mondial ou national ?

 

On peut ici revenir sur le processus de classification en revenant sur la décision Mustafa Kemal jusqu’à la classification par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité en 1985 et la décision d’Erdogan en juillet 2020 (document annexe, document 1, document 2 paragraphes 1 à 3 et paragraphe 6)

 

Partie 2. La transformation de Sainte Sophie en mosquée : un enjeu de politique interne

 

1. Sainte Sophie : un élément de l’identité islamo-turque et un moyen de réaffirmer la souveraineté nationale turque : une vieille revendication (document 1 – et document 2 paragraphes 2, 9 et 10)

 

2. Réaffirmer le pouvoir du président (document 2 paragraphes 11 et 12)

 

Partie 3. La transformation de Sainte Sophie en mosquée : un enjeu géopolitique (réaffirmer la puissance et le rayonnement de la Turquie sur la scène internationale)

 

1. Une décision qui suscite de nombreuses condamnations (document 2 - paragraphes 3 à 8)

 

2. A l’échelle régionale : s’affirmer face à la Grèce et la Russie (documents 2 - paragraphes 4 à 7)

 

3. A l’échelle mondiale : s’affirmer comme les leaders du monde musulman (document 1 , document 2 paragraphes 2 et 10)

 

 

 

Le sujet et la correction au format pdf

Pour retrouver la référence de la caricature

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