Le New Space, un espace de compétition où s’affrontent des acteurs multiples
Sujet : Le New Space, un espace de compétition où s’affrontent des acteurs multiples
Consigne : Après avoir présenté chacun des documents vous montrerez en quoi le New Space est devenu un espace de compétition où s’affrontent des acteurs multiples.
Document 1.
En 2018 la Chine affichait le plus grand nombre de lancements (39, contre 31 américains et 20 russes) et en 2019, elle réussit l’exploit mondial de poser un rover (véhicule robotisé) sur la face cachée de la Lune.
Document 2.
Le jeudi 16 septembre 2021, Elon Musk a envoyé dans l'espace des civils à bord de sa capsule Crew Dragon. Baptisée Inspiration4, elle est la première de l'Histoire à n'envoyer en orbite que des novices, sans aucun astronaute professionnel à bord.
Pistes de correction
Etape 1. Lire le sujet /Lire et analyser la consigne
Le sujet et la consigne sont centrés sur un sujet d’actualité : le New Space et ses enjeux ; il permet de réinvestir les notions acquises durant l’l’introduction et l’axe 1.
Il convient de définir la notion de New Space tout en l’inscrivant dans le temps (on situe notre réflexion dans le monde post guerre froide marque par l’apparition d’un monde multipolaire) ainsi que la notion d’acteur ; il s’agira de montrer la multiplication des acteurs dans l’espace et de souligner la compétition qui y fait rage.
Etape 2. Prendre connaissance de l’ensemble documentaire
L’ensemble documentaire est constitué de deux caricatures ; la première caricature a été réalisée par Bauer et publié dans le journal L’Express le 03 janvier 2019 ; il évoque de manière humoristique le dernier exploit spatial de la Chine : l’envoi d’un rover sur la face cachée de la lune.
Le deuxième document est aussi une caricature ; elle a été réalisée par Salch et publiée dans le journal satirique Charlie Hebdo. L’auteur imagine les effets de la démocratisation du tourisme spatial sur la lune. Publié en aout 2020, il est ici utilisé en relation avec l’envoi de la capsule Crew Dragon, le premier vol habité dans l’espace avec des non-professionnels.
On peut contextualiser en rappelant que pendant la guerre froide, la course à l’espace était le fait des deux Grands ; elle était avant tout une compétition technologique pour des enjeux politiques et géostratégiques. Mais, depuis l’émergence d’un monde multipolaire et avec le contexte économique de mondialisation, y compris dans le domaine de l’innovation, la course à l’espace a changé de nature : elle est devenue une compétition économique aux acteurs multiples, d’où l’apparition d’une nouvelle expression : New Space. Le terme d’acteurs désigne ici avant tout les Etats qui conservent les moyens scientifiques et économiques pour participer à la course à l’espace mais nous verrons qu’il désigne aussi des investisseurs privés qui s’affirment de plus en plus et qui ont des logiques différentes de celles des Etats.
Comment la conquête puis la maîtrise de l’espace sont-elles devenues les symboles d’une redistribution de la puissance dans un monde multipolaire marqué par les logiques de la mondialisation ? Pourquoi peut-on considérer l’espace comme un nouveau marché commercial dont le contrôle échappe de plus en plus aux Etats ?
Etape 3. Relire la consigne
Etape 4. Identifier et sélectionner les informations
Partie 1. Le New Space : une remise en cause de l’ordre établi pendant la guerre froide
1. L’affirmation spatiale des puissances émergentes
Le paratexte du document 1 permet de rappeler la place nouvelle qu’occupe la Chine dans la conquête spatiale ; en 2018, elle a réalisé plus de lancements que les Etats-Unis (39 lancements pour la Chine contre 31 pour les Etats-Unis) ; on comprend donc, que dans un monde multipolaire les pays émergents entendent jouer un rôle ; le grand vainqueur de la guerre froide, Les Etats-Unis doivent désormais faire face à une concurrence de plus en plus vive de la part des Russes (20 lancements russes en 2018) et des pays émergents comme la Chine ; cette dernière a même réussi l’exploit en 2019, comme le rappelle la caricature d’envoyer un rover sur la face cachée de la lune, performance que personne n’avait réalisé jusqu’ici. Grâce à la Russie, la Chine a donc réussi à combler son retard dans le domaine spatial au début du XXIe siècle, en étant capable d’envoyer ses propres satellites de télécommunication ou de géolocalisation (« la Chine lance un satellite ») ; elle peut ainsi répondre de manière autonome à ses propres besoins (internet, téléphonie, télévision haute définition). Depuis 2003, elle fait même partie des trois seuls pays au monde (avec les Etats-Unis et la Russie) en mesure d’envoyer des hommes dans l’espace (taïkonautes) et de développer les vols spatiaux habités. Elle projette d’ici 2021/2022 d’assembler, à l’image de la station spatiale internationale, une nouvelle station en orbite haute de façon permanente (projet Tiangong).
La Chine n’est d’ailleurs pas le seul pays émergent qui entend jouer un rôle dans le New Space ; ainsi le document n’évoque pas les prétentions de l’Inde et du Brésil par exemple.
2. Les Etats-Unis, un acteur qui reste incontournable
Pour autant les Etats-Unis continuent de dominer le secteur. Plus de 50% des dépenses mondiales pour l’espace restent encore américaines (20 milliards de dollars annuels). Il s’agit pour les Etats-Unis de maintenir leur avance dans le domaine militaire. C’est ce que semble le souligner le document 1; en effet de manière très ironique, l’auteur nous montre que le rover chinois découvre avec stupéfaction la présence de l’enseigne de restauration rapide , Mac Donald’s sur la face cachée de la lune ; par ce trait d’humour, il veut nous rappeler que les Etats-Unis devancent la Chine et restent toujours dans la course en continuant d’assurer de nombreux lancements ; il nous rappelle aussi que cette compétition peut générer des tensions (« Et merde »).
Les pôles dominants de l’économie mondiale sont donc encore ceux que l’on retrouve au niveau spatial. Les Etats-Unis ont pu s’appuyer sur le poids de leur agence nationale, la NASA, créée à la fin des années 1950 et qui dispose du plus gros budget, bien supérieur à celui de tous ses concurrents. On peut aussi préciser que le document n’évoque nullement le rôle joué par l’Europe dans ce domaine alors que cette dernière en est une actrice essentielle avec Arianespace et dispose de réels atouts (atouts naturels et les équipements techniques de sa base de lancement de Kourou en Guyane).
Partie 2. L’essor des acteurs privés à l’origine de nouvelles problématiques
Longtemps chasse gardée des agences gouvernementales, comme la Nasa, ou de groupements industriels sous contrôle d’Etat (Arianespace), l’espace est en passe de devenir le terrain de jeu d’entreprises privées. Ces dernières sont déjà intervenues pour acheminer du matériel vers la station spatiale internationale. Au-delà de l’économie réalisée par les Etats, cette privatisation des vols spatiaux répond à un souhait des Etats-Unis, depuis la présidence de Barack Obama, de concentrer les recherches et investissements de la Nasa sur d’autres objectifs, comme la Lune et Mars.
Les Etats doivent donc désormais compter avec l’affirmation de sociétés privées dans le domaine spatial ; c’est ce que met en évidence le document 2. Ces dernières sont nombreuses aux Etats-Unis ; le document 2 évoque ainsi dans le paratexte la performance de la société privée Space X du milliardaire Elon Musk ; sa société « a envoyé dans l’espace des civils à bord de sa capsule Crew Dragon », envoyant pour la première fois dans l’espace « des novices sans aucun professionnel à bord.» Space X n’est pas un cas unique, on peut aussi citer Blue Origin, Virgin Galactic. Grâce à des coûts de fabrication moindres mais aussi grâce à des technologies révolutionnaires (comme les lanceurs réutilisables, ce qui est le cas de la Falcon-9 de Space X), elles peuvent proposer des prix de lancement très compétitifs, comme le montre l’exemple de l’américain Space X. Ces sociétés privées sont longtemps restées dépendantes des Etats et de leurs agences spatiales, notamment en Chine où I-Space, LinkSpace, Longue Marche ou encore Landspace sont très proches de Pékin. Mais, elles s’émancipent de plus en plus et développent leurs propres services spatiaux, ce qui leur permet de gagner de plus en plus de parts de marchés à la fois sur le marché des lancements de satellites (le luxembourgeois SES confiant le lancement de satellites à Space X dès 2012) mais aussi du voyage spatial comme nous le rappelle l’exploit du 16 septembre dernier.
La privatisation des vols spatiaux conduit à s’ouvrir de nouveaux débouchés comme le tourisme spatial mis en évidence par le document n° 2 ; celui-ci imagine les effets du tourisme de masse sur la lune ; si ce service est réservé à une élite, il n’est pas nouveau. En effet, depuis 2001, des « touristes de l’espace» ont pu séjourner dans l’ISS, en versant des sommes colossales. Mais ce nouveau marché est désormais aussi la cible des entreprises privées comme Space X qui à partir de 2021 propose des voyages dans l’espace à des hommes d’affaires qui n’ont rien à voir avec le domaine spatial, militaire ou scientifique. Les entreprises lancées sur le marché sont donc de plus en plus nombreuses, et ambitieuses. Virgin Galactic, créée par Richard Branson, était l’une des pionnières. Une véritable économie privée de l’espace pourrait être en place d’ici 10 à 20 ans donc les conséquences moquées par Charlie Hebdo ne sont pas encore connues. Mais l’absence de régulation, comme le laisse supposer la présence anarchique et massive des touristes sur la lune dans le document 2 pose les questions de la privatisation de l’espace et de la pollution spatiale.
Conclusion
L’industrie spatiale reste dominée par les Etats.
Mais les Etats sont de plus en plus nombreux à jouer un rôle dans la conquête spatiale.
Ces Etats sont en compétition et une régulation internationale s’impose (même si pour l’instant la militarisation de l’espace n’existe pas).
Une prolifération spatiale accentuée par l’arrivée des acteurs privés (et donc cela pose la question de la privatisation de l’espace ; un espace encore non régulé aujourd’hui)
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