Le film La Marche : quel regard la fiction porte sur cet évènement ?
Séance 2. Quand le cinéma se saisit d’un évènement historique : le film La Marche de Nabil Ben Yadir (2013)
Comment le film La Marche de Nabil Ben Yadir rend-il compte de cet évènement ?
(présentation réalisée à partir du dossier pédagogique du film La Marche)
Synopsis du film
« Je pense que cet événement résonne très fort aujourd’hui, même si cela s’est, certes, passé il y a trente ans. Imaginer qu’un jour des jeunes de banlieue aient pris comme référence Gandhi et la non-violence était à l’antithèse de ce que les médias nous livrent comme image de ces jeunes. » Nabil ben Yadir
En 1983, dans une France en proie à l’intolérance et aux actes de violence raciale, trois jeunes adolescents et le curé des Minguettes lancent une grande Marche pacifique pour l’égalité et contre le racisme, de plus de 1000 km entre Marseille et Paris. Malgré les difficultés et les résistances rencontrées, leur mouvement va faire naître un véritable élan d’espoir à la manière de Gandhi et Martin Luther King. Ils uniront à leur arrivée plus de 100 000 personnes venues de tous horizons, et donneront à la France son nouveau visage
Extrait du dossier pédagogique du film La Marche, 1983
1. Faites une description de l’affiche ci-dessous (texte, composition de l’image) et indiquez ce que veut traduire cette affiche selon vous.
2. Le choix des personnages
Farid, interprété par M’Barek Belkouk
« On l’a voulu plus jeune et plus gros. J’avais besoin d’un personnage qui grandisse pendant la marche. Il n’a aucune envie de marcher, il n’a aucune conscience politique, mais il part pour être avec ses potes. C’est en chemin qu’il va découvrir le militantisme, comme Sylvain. » Nabil Ben Yadir
Farid est un visage sur lequel se lisent toutes les émotions et interrogations qui se bousculent en lui. Jeune adolescent timide, il trouve souvent refuge dans la nourriture lorsque le monde lui fait mal. Figure classique du fils soumis à un père autoritaire qui ne l’écoute pas, son acte de marcher est sa manière à lui de tenter de s’ émanciper peu à peu du joug paternel. Placide, maladroit et un peu balourd, il est sans ressource face à la cruelle ironie d’un père qui, devant tout le monde, se moque de ce fils, gros de surcroît, incapable de faire quoi que ce soit si ce n’est manger. De fait, la pudeur est un trait commun dans cette famille et c’est en écrivant soir après soir, avec une application touchante, que peu à peu le jeune Farid va apprendre à élaborer sa parole, sa pensée et son destin. Marcher, certes déjà pour lui, mais aussi avec autrui est une expérience primordiale.
Sylvain interprété par Vincent Rottier
« Ce blond aux yeux bleus n’est pas du tout concerné par l’engagement ou la non-violence mais il suit ses amis pour rester avec eux. Il a une vraie blessure en lui et elle ressort de manière extraordinaire. Vincent Rottiers est magnifique dans ce rôle. C’est James Dean. » Nabil Ben Yadir
Sylvain est un jeune homme pour qui l’appartenance est avant tout sociale, il ne fait aucune distinction entre lui et ses camarades d’origine maghrébine. Lorsqu’il déclare à Mounia combien elle est incohérente entre son militantisme pour l’égalité et sa relation privée avec lui, elle est impuissante à lui expliquer les contradictions qui la déchirent. Vincent est avant tout un marcheur amoureux. Marcher est l’occasion idéale de sortir de chez lui, il peut ainsi rester avec ses potes et surtout s’approcher de celle dont il est très attiré. Discrètement, le cinéaste, en filmant leur amour naissant, donne à Sylvain et Mounia l’écrin du cinéma, refuge idéal de cet amour interdit où nos deux jeunes amoureux sont les réminiscences modernes d’Iseult et Tristan.
Kheira interprétée par Lubna Azabal
« Son propos est très radical et en même temps très clair et elle sait exactement pourquoi elle marche. La non-violence reste un détail pour elle. » Nabil Ben Yadir
Kheira est une militante incarnée, sa vie est toute entière dévouée à la cause, elle ne paraît pas avoir de vie privée ni même d’intimité, si ce n’est la relation qui la lie à sa nièce qu’elle aime et tente de protéger. Ses actes ne souffrent ni la nuance ni la dialectique. Adulte, elle n’en demeure pas moins manichéenne dans ses positions qui sont celles de la guerre, du combat et du sacrifice. Au départ de la marche à Marseille, clope au bec, elle interpelle sèchement Sylvain qui la regarde, lui lançant à la figure « Ça t’emmerde une arabe qui fume ? ». Elle va au-devant de toute critique, remarque désobligeante ou agression possible que l’on pourrait lui faire, preuve d’une grande réactivité qui s’est nourrie de toutes les violences et humiliations racistes qu’elle a du subir et endurer. Par sa radicalité, elle est bien plus proche d’Hassan, lui aussi pris dans des extrêmes. Une très belle scène nous la dévoile fragile lorsque sa nièce lui fait entendre combien sa vie lui est totalement privée. Elle n’a pas su se donner à elle-même comme elle tente de se donner à ses causes. Le militantisme semble se payer chez elle par une grande solitude. Elle est à l’opposé de la marcheuse photographe, elle aussi engagée, mais qui n’en oublie pas moins de vivre sa vie de femme.
Mounia interprétée par Hafsia Herzi
« Elle est entraînée dans cette aventure par sa tante Kheira, qui est militante jusqu’au bout des ongles. Elle est partie pour lui faire plaisir et pense s’arrêter en cours de route. Pourtant, après l‘agression dont elle est victime, elle va continuer jusqu’au bout.» Nabil Ben Yadir
Mounia est une jeune fille qui aspire à l’indifférenciation. Jeune adolescente, elle n’a pas connu, comme sa tante, les humiliations et injures racistes. C’est une jeune fille au bord de son devenir que l’on devine encore épargnée, jusqu’au jour où, en toute innocence, elle propose des tracts à un groupe de jeunes gens qui la mutilent. Ce qui pour elle était le combat de sa tante devient son histoire. Ce choc fondateur, cette blessure inscrite durablement dans sa peau, sera ce qui va imprimer son engagement. Alors qu’au début elle semblait plutôt suivre sa tante, elle devient active et le moteur de cette marche. Tout comme sa relation amoureuse avec Sylvain qui bouscule les schémas types du couple, même si avec intelligence le cinéaste montre combien la mixité au sein du couple demeure problématique, lorsqu’elle n’est pas tout simplement cachée.
Claire Interprétée par Charlotte Le Bon
Troisième figure féminine du film, elle est une jeune femme libre et libérée, bien dans sa peau. On devine chez elle le fruit d’une éducation familiale post-soixante[1]huitarde qui la rend décomplexée par rapport aux questions de genres et aussi d’origines. Jeune femme affranchie pour qui la pudeur n’est pas du même ressort que Kheira par exemple. Sa solidarité avec les marcheurs est réelle, et ce dès le départ. Par elle, le cinéaste nous fait aussi comprendre que cette histoire n’appartient pas à une communauté restreinte mais à tout l’ensemble de la communauté nationale. Son rôle est d’être la mémoire du groupe par son travail photographique comme si elle aussi sentait que quelque chose d’inédit aurait lieu, alors que rien ne pouvait garantir leur succès.
Mohamed interprété par Tewfik Jallab
Cœur sensible du récit, à qui le charismatique Tewfik Jallab prête son visage, Mohamed n’a nullement peur ni même aucun désir de revanche, contrairement à Kheira. Ce n’est pas la guerre qui le porte mais l’amour, un amour du prochain, qui peut paraître naïf mais qui demeure la vraie puissance de ce mouvement fondateur. En cela, on pourrait le rapprocher d’illustres utopiques qui ont su lutter pour garder intacts leurs rêves et utopies alors que le réel faisait tout pour les décourager, voire désespérer. L’attitude des parents est révélatrice du scepticisme dont ses camarades et lui-même sont trop souvent victimes. Pour les adultes cette jeunesse est infantile et fainéante. Or Mohamed ne flanche pas, il a une vision très claire, un idéal que seul Hassan peut faire vaciller. En effet, Mohamed est bien plus perturbé par sa présence que par les violences qu’il doit subir. Comme si Hassan représentait tout ce contre quoi il est impuissant : la drogue, la solitude, la mésestime de soi. Hassan serait l’envers redouté de Mohamed, sa part sombre, un devenir qu’il pressent peut-être trop proche de lui pour ne pas en être effrayé... Ils sont les deux figures du jeune franco-maghrébin des cités, l’un désireux de s’en sortir à tout prix alors que tout s’oppose à ça, lorsque l’autre s’enfonce avec rage dans la déperdition de soi. Une réelle empathie s’instaure entre le spectateur et ces jeunes qui veulent se faire entendre. Emportés par ce rêve de respect que porte Mohamed, nous le suivons avec son groupe démarrer modestement quelque chose qui va devenir une éducation démocratique d’une beauté profonde. Le film emprunte les chemins de France, un « road movie » qui éclaire autant ses protagonistes que nous mêmes.
Hassan interprété par Jamel Debbouze
« J’avais besoin d’un personnage qui fasse prendre conscience aux marcheurs qu’ils faisaient tous quelque chose de super. Quand ils parlent d’abandonner au moment de la défection du prêtre c’est lui qui les pousse à continuer en restant avec Dubois à l’hôpital. Il y a toujours un mec comme ça dans les quartiers, un peu lourdingue mais avec une vraie bonté et une vraie gentillesse. » Nabil Ben Yadir
Hassan est un personnage d’écorché vif, provoquant le mépris d’une partie du groupe des marcheurs. Il trouvera peu à peu sa place, tout comme Farid, comme lui victime de quolibets. Mais sa tragédie est plus profonde, sa vie semble se résumer à drogues dures et dénigrement de soi. Aussi la marche revêt à ses yeux l’espoir d’un meilleur avenir, non pour lui-même, mais pour ses proches. Il se sait condamné et, paradoxalement, son geste qui peut sembler de prime abord indécent voire opportuniste, se révélera le plus humble et le plus touchant. Il y a une grande pertinence à donner un rôle éminemment dramatique à un comédien connu pour son humour burlesque, car cet humour du désespéré, à la fois léger et distancié est souvent le signe d’une grande pudeur devant le tragique existentiel.
René interprété par Philippe Nahon
« Pour moi, René, joué par Philippe Nahon, représente la France vers laquelle les marcheurs veulent aller, mais qui, en fait était déjà parmi eux. Il arrive dans cette marche malgré lui, pour faire plaisir au prêtre… et il découvre, comme eux, la France… » Nabil Ben Yadir
René incarne l’alter-ego des spectateurs réticents qui se demandent « mais quelle est cette histoire de marcheurs et marcheuses ? ». Véritable trogne bougonne, sa réticence est comme le point de lucidité du cinéaste qui, de manière didactique, offre la possibilité au public de se familiariser avec ces jeunes héros ordinaires. Il est ce français moyen qui ne connaît ni la jeunesse de son temps, ni même ses réalités faites d’injustice, d’incompréhension, quand ce n’est pas de violences racistes. Tout comme ses compagnons marcheurs, il va lui aussi vivre une véritable éducation démocratique où son regard va peu à peu se dessiller devant les réalités souvent tragiques que ces jeunes vivent. Farouche, pudique et solitaire, René est interprété avec un jeu tout en nuance de la part de Philippe Nahon.
Christophe DUBOIS interprété par Olivier Gourmet
L’acteur interprète le prêtre Christophe Dubois, alter- égo du vrai prêtre Christian Delorme qui fut parmis d’autres à l’origine de la marche en 1983. Une violente scène oppose le prêtre Christophe Dubois à Kheira sur la question de la religion catholique et de la laïcité, elle lui reproche son prosélytisme religieux. Or, ce que le film démontre tout au long de son récit, c’est l’universalisme du prêtre. Tout comme Sylvain, il ne fait aucune distinction entre les personnes. Son désir le plus ardent est de se battre pour que ces jeunes soient respectés en tant que français, qu’ils soient reconnus comme les visages nouveaux de la société française. Son engagement humaniste est profondément ancré dans le réel et la modernité des années quatre-vingt, celle d’une société où le métissage, la jeunesse et les radios libres existent enfin. Comme le rappelle Christian Delorme lorsqu’il est interrogé sur cette question de la place de la religion : « Dans les années 1980, la question religieuse n’avait pas dans notre société la place qu’elle a prise ( ou reprise! ) ces vingt-cinq dernières années. Le fait que la plupart des jeunes des Minguettes soient musulmans, et que le pasteur Jean Costil, moi-même et quelques autres étions chrétiens, n’a posé aucun problème. Nous nous respections et nous nous estimions avec cette différence. Les parents de ces jeunes me disaient eux-mêmes tout le temps qu’on avait le même Dieu, et que la différence de religion n’était pas essentielle. Pour eux, j’étais un homme de Dieu et cela nourrissait plutôt leur confiance ».
3. Le générique
1. Repérez les différentes sources d’archives qui ponctuent le générique d’ouverture.
2. Qu’est-ce que le montage de ces plans raconte ?
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4. La musique
1. La chanson Douce France de Charles Trenet (1943) ouvre le film. Décrivez l’atmosphère suggérée par cette chanson et indiquez quelle image de la France elle véhicule.
2. En 1975, Renaud sort la chanson hexagone. Décrivez l’atmosphère suggérée par cette chanson et indiquez quelle image de la France elle véhicule.
3. Pourquoi le réalisateur fait le choix d’associer ces deux chansons ?
Bilan. Après avoir visionné le film, en faire le compte-rendu en répondant à la question suivante : en quoi le film La Marche rend-il compte de l'évènement ?
Travail structuré (intro-développement-conclusion)
quelques pistes pour vous aider : votre travail peut montrer que le film rend compte :
- du climat politique et social de l'époque
- de la diversité des marcheurs et de leurs revendications
- des difficultés rencontrées par les marcheurs
- d'un message d'espoir.
Le compte rendu du film par Inès et Romane
Le film "La Marche", sorti en 2013 et réalisé par Nabil Ben Yadir, est une représentation du racisme et des inégalités dont a été victime la France en 1983. Il raconte l'histoire de jeunes du quartier des Minguettes qui décide de mener une Marche pour lutter contre le racisme et les inégalités suite à plusieurs violences policières. Nous allons nous demander en quoi le film "La Marche" rend-il compte de l'évènement? Nous commencerons par parler du climat politique et social de l’époque, ensuite nous énoncerons la diversité des marcheurs ainsi que leurs revendications puis nous évoquerons les difficultés rencontrées enfin, nous finirons par une analyse d’un message d’espoir.
A l'époque, la France est touchée par de nombreuses violences causées par les inégalités et le racisme. L'histoire commence dans le quartier des Minguettes à Lyon, où Mohammed (le personnage principal) se fait tirer dessus par un policier alors qu'il essayait d'aider un homme qui se faisait attaquer par le chien du policier. Plus tard dans le film, on apprend grâce aux informations qu'un jeune garçon de 9 ans a été assassiné. Il est mort suite a une balle qui ne lui était pas destinée.
Nous pouvons ajouter la scène dans laquelle les marcheurs débatent avec des villageois de l'élection de François Mitterand qui témoigne de l'arrivée au pouvoir de la gauche. Ces trois évènements du film nous montrent donc le climat politique et social de l'époque.
La marche débute avec neuf marcheurs, d'origine et de religions différentes: Mohammed et Farid du quartier des Minguettes d'origines musulmanes, Sylvain, Français blond aux yeux bleus et également du quartier des Minguettes, Claire, Française et lesbienne, Mounia et sa tante Kheira (femme voilée), musulmanes, Christophe Dubois, un prêtre, un ami à lui nommé René qui conduit le camion en suivant les marcheurs et enfin Yazid, le musicien du groupe. Leurs revendications sont très diversifiées en fonction de leur personnalité (lutte contre le racisme, l'homophobie, les inégalités, le rejet des immigrés, les bavures policière..). On peut donc constater que les origines et les revendications sont diverses pour chacun mais finalement, ils marchent pour la même cause.
Lors de la marche, les marcheurs ont rencontré de nombreuses difficultés : premièrement, ils ont été victimes de racisme avec la scène dans laquelle des paysans acostent et menacent les marcheurs à l'aide d'un fusil. Ensuite, victimes de violence avec la scène de l'agression de Mounia dans laquelle on peut voir que des personnes lui ont gravé une croix gammée dans le dos. Il y a aussi un grand manque de personnes volontaires au début de la marche (seulement 9 marcheurs au début), l'hospitalisation du prêtre, le manque de soutien de la part de leurs familles au début puis de certains français par l'absence d'accueil dans plusieurs villages ( scène où des têtes de cochons sont pendues).
Cette marche est un message d'espoir car à l'arrivée à Paris le 3 décembre, les marcheurs sont très nombreux (100 000) et accueillis par beaucoup de gens. De plus, après être arrivés à Paris, ils apprennent qu'ils seront reçus par le président qui leur accorde quelques droits comme la carte de séjour de 10 ans. Les parents qui au départ ne croyaient ni en cette marche ni en leurs enfants, finissent par les soutenir et les suivre en étant fiers du succès de leur projet. Cela entraîne un espoir pour une société évolutive et égalitaire.
Pour conclure, le film "La Marche" énonce tous le processus de l'évènement de 1983, en évoquant la situation politique et sociale de l'époque, la diversité et les revendications des marcheurs, les difficultés qu'ils ont rencontré et le message d'espoir que l'envergure qu'a prise la marche a transmis.
Pour aller plus loin