Le lycée Jacob Holtzer célèbre le 40ième anniversaire de La Marche pour l’égalité et contre le racisme
C’est un travail d’ampleur qui a été mené depuis le début de l’année au lycée Jacob Holtzer par l’ensemble de l’équipe enseignante d’histoire-géographie, impliquant quatre classes de première et trois classes de Terminale.
En effet le lycée Jacob Holtzer s’est inscrit dans un programme national, soutenu par le ministère de la ville, afin de célébrer le quarantième anniversaire de La Marche pour l’égalité et contre le racisme.
Les élèves ont ainsi dans un premier temps reconstitué le contexte de l’époque pour comprendre pourquoi plusieurs jeunes des Minguettes, s’inspirant de Martin Luther King, se sont lancés dans une Marche pacifique qui devait leur permettre de rejoindre Paris au départ de Marseille. Alors qu’ils étaient une poignée à Marseille le 15 octobre, ils seront rejoints par plus de 100 000 personnes à Paris le 3 décembre 1983. Plusieurs marcheurs seront même reçus par le président de la République, François Mitterrand. Dénonçant les crimes racistes et les violences policières dont étaient victimes de nombreux jeunes d’origine immigrée, les Marcheurs ont porté un formidable message d’espoir et de fraternité, obtenant au passage l’adoption de la carte de séjour pour une durée de 10 ans.
Cette approche historique et scientifique a été complétée par la projection du film La Marche de Nabil Ben Yadir au cinéma Le Majestic le 13 octobre dernier. Les élèves ont ainsi pu confronter le point de vue du réalisateur Nabil Ben Yadir à la réalité historique.
Le point d’orgue de ce travail a été la rencontre avec Alloua Bakha, témoin direct de l’époque. Il est venu à la rencontre des élèves pour échanger avec eux sur son engagement et sur sa lecture de l’évènement. Pas moins de 7 rencontres se sont déroulées au sein de l’établissement entre le 20 novembre et le 1ier décembre 2023 impactant plus de 200 élèves.
Le point de vue des élèves sur l’ensemble du travail
Léonard : « Le projet consacré à La Marche était intéressant : le contexte politique de 1983 m’a rappelé la situation pathétique de la France d’aujourd’hui. »
Inès : « Ce projet était excellent ; on a réalisé beaucoup d’activités (travail sur documents, sortie au cinéma, rencontre avec Allaoua Bakha), ce qui a rendu l’apprentissage plus clair et plus vivant. Ce qui m’a interpellé, c’est que peu de gens connaissaient ce sujet. »
Léo : « J’ai bien aimé ce projet car aujourd’hui beaucoup de personnes sont victimes de racisme ; parler de la Marche nous permet de nous reconnaître à travers cet événement. »
Chloé : « La Marche constitue un moment important de notre histoire ; pourtant c’est un moment dont je n’avais jamais entendu parler, comme beaucoup d’entre-nous. Il faudrait que tout le monde entende parler de cette histoire, surtout pour faire réagir certaines personnes. »
Le point de vue des élèves sur la rencontre avec Allaoua Bakha
Mathis : « J’ai apprécié la combativité d’Allaoua Bakha ; j’ai été marqué par les humiliations qu’ont subies ses parents lorsqu’ils faisaient renouveler leur carte de séjour : les policiers les appelaient tous Mohammed. Malgré les discriminations à l’époque, il a pu faire des études ; il s’est également engagé dans des associations contre le racisme et a même créé sa propre association, le Grain Magique. »
Nisrine : « J’ai aimé lorsqu’il a abordé son parcours de vie et son parcours professionnel ; j’ai apprécié d’avoir un point de vue personnel. »
Sami, Romane et Clara : « Ce qui nous a marqué dans l’intervention du témoin, c’est quand il a abordé la mort tragique et mystérieuse de son cousin (en 1972). Premier étudiant d’origine maghrébine de l’école d’architecture de Saint-Etienne, il a été retrouvé mort dans un caniveau. On n’a jamais su la vérité sur cette histoire : accident ? crime raciste ? violence policière ? Cette histoire nous a profondément touché et nous comprenons mieux son engagement auprès des jeunes et contre le racisme. »
Héloïse : « Ce qui m’a marqué, c’est le fait qu’il était le seul magrébin dans sa classe de lycée au début des années 70 et qu’il subissait des réflexions racistes tous les jours. A la mort de son cousin il s’est engagé en créant un comité pour chercher à obtenir la vérité sur cette mort mystérieuse. »
Ambre : « ce que retiens de l’intervention ? des conditions de vie très difficiles à l’époque mais aussi la montée et la banalisation du racisme. Pour moi, La Marche est le début d’un long processus, c’est un combat qui reste toujours d’actualité. »
Lina et Elodi : « Nous avons bien aimé quand il a évoqué son travail en tant que directeur du centre social de Terrenoire. Il était proche des gens et des jeunes. C’était comme une famille et il avait su créer un rapport de confiance avec les habitants. Il a même organisé des bus pour amener des jeunes à la grande manifestation du 03 décembre 1983. »
Le compte rendu du film par Inès et Romane
Le film "La Marche", sorti en 2013 et réalisé par Nabil Ben Yadir, est une représentation du racisme et des inégalités dont a été victime la France en 1983. Il raconte l'histoire de jeunes du quartier des Minguettes qui décide de mener une Marche pour lutter contre le racisme et les inégalités suite à plusieurs violences policières. Nous allons nous demander en quoi le film "La Marche" rend-il compte de l’évènement ? Nous commencerons par parler du climat politique et social de l’époque, ensuite nous énoncerons la diversité des marcheurs ainsi que leurs revendications puis nous évoquerons les difficultés rencontrées enfin, nous finirons par une analyse d’un message d’espoir.
A l'époque, la France est touchée par de nombreuses violences causées par les inégalités et le racisme. L'histoire commence dans le quartier des Minguettes à Lyon, où Mohammed (le personnage principal) se fait tirer dessus par un policier alors qu'il essayait d'aider un homme qui se faisait attaquer par le chien du policier. Plus tard dans le film, on apprend grâce aux informations qu'un jeune garçon de 9 ans a été assassiné. Il est mort suite a une balle qui ne lui était pas destinée.
Nous pouvons ajouter la scène dans laquelle les marcheurs débatent avec des villageois de l'élection de François Mitterand qui témoigne de l'arrivée au pouvoir de la gauche. Ces trois évènements du film nous montrent donc le climat politique et social de l'époque.
La marche débute avec neuf marcheurs, d'origine et de religions différentes : Mohammed et Farid du quartier des Minguettes d'origines musulmanes, Sylvain, Français blond aux yeux bleus et également du quartier des Minguettes, Claire, Française et lesbienne, Mounia et sa tante Kheira (femme voilée), musulmanes, Christophe Dubois, un prêtre, un ami à lui nommé René qui conduit le camion en suivant les marcheurs et enfin Yazid, le musicien du groupe. Leurs revendications sont très diversifiées en fonction de leur personnalité (lutte contre le racisme, l'homophobie, les inégalités, le rejet des immigrés, les bavures policières.). On peut donc constater que les origines et les revendications sont diverses pour chacun mais finalement, ils marchent pour la même cause.
Lors de la marche, les marcheurs ont rencontré de nombreuses difficultés : premièrement, ils ont été victimes de racisme avec la scène dans laquelle des paysans acostent et menacent les marcheurs à l'aide d'un fusil. Ensuite, victimes de violence avec la scène de l'agression de Mounia dans laquelle on peut voir que des personnes lui ont gravé une croix gammée dans le dos. Il y a aussi un grand manque de personnes volontaires au début de la marche (seulement 9 marcheurs au début), l'hospitalisation du prêtre, le manque de soutien de la part de leurs familles au début puis de certains français par l'absence d'accueil dans plusieurs villages (scène où des têtes de cochons sont pendues).
Cette marche est un message d'espoir car à l'arrivée à Paris le 3 décembre, les marcheurs sont très nombreux (100 000) et accueillis par beaucoup de gens. De plus, après être arrivés à Paris, ils apprennent qu'ils seront reçus par le président qui leur accorde quelques droits comme la carte de séjour de 10 ans. Les parents qui au départ ne croyaient ni en cette marche ni en leurs enfants, finissent par les soutenir et les suivre en étant fiers du succès de leur projet. Cela entraîne un espoir pour une société évolutive et égalitaire.
Pour conclure, le film "La Marche" énonce tout le processus de l'évènement de 1983 de sa conception à ra conclusion...heureuse ?
Le point de vue des élèves sur le film
M.K : « Grâce à ce film, cette marche restera sincèrement gravée dans mon esprit, car c’est un mouvement magnifique et audacieux. Ce film nous montre que ce n’est pas à cause d’une origine que nous sommes différents des autres ; cela fait toujours du bien de se le rappeler. Ce n’est pas une origine qui détermine notre propre personne ou même notre personnalité. Ce film tire une très, très belle moral, cette marche aussi. »
F. Y : « Le film est intéressant, cela nous permet de nous rappeler de cet événement important en France. Cela nous permet de nous remettre dans un contexte difficile et violent. Dans le film, j’ai bien apprécié l’entraide entre les Marcheurs ainsi que l’évolution des personnages. Cela m’a aussi permis de mieux comprendre la situation des personnes immigrées dans les années 1980. »
R. G : « Le film était très intéressant, il mettait en avant la Marche sans forcément montrer explicitement les violences. Le film insiste aussi sur le fait que des deux côtés, il y avait des préjugés faux. Il retransmet bien les émotions qu’ont pu ressentir les marcheurs en 83. »
Y. K : « J’ai un bon ressenti vis-à-vis du film. Le film nous a montré les différentes étapes de cette marche que je ne connaissais pas. J’ai apprécié le sérieux mais aussi l’humour avec Jamel Debbouze. Ce film m’a aussi appris des choses sur les communautés immigrées en France à cette époque et sur les nombreuses discriminations qu’elles subissaient. »
L.T : « Ce film était vraiment bien. J’ai bien aimé tous les sacrifices endurés par les marcheurs et leur rage de vaincre pour obtenir des droits. Le film insiste sur des préjugés et présente bien les différentes étapes de la Marche jusqu’à Paris. »
Steven : « J’ai été administratif de ce film car il montre que seul on ne peut pas faire grand-chose mais ensemble et déterminé on peut accomplir des choses qu’on croyait inimaginables. J’ai aimé le fait qu’ils débutent la marche avec très peu de personnes et qu’ils finissent des milliers à Paris pour une seule et même cause. »
Killian : « La scène qui m’a marquée est l’arrivée des marcheurs à Paris, pendant toute la Marche ils étaient une dizaine et on voit que plus ils avancent, plus ils sont nombreux. A leur arrivée à Paris, certains défilent avec des portraits de personnes ayant été victimes de crimes racistes et on voit qu’il y en avait beaucoup. »
Tom : « j’ai aimé la solidarité entre les marcheurs alors qu’ils sont tous différents. »
L'article de presse paru dans Le Progrès au format pdf - 8 décembre 2023
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