Le New Space, un espace de compétition où s’affrontent des acteurs multiples
Etude critique de documents : Le New Space, un espace de compétition où s’affrontent des acteurs multiples
Consigne : En analysant les documents, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, caractérisez les acteurs et enjeux de la course à l’espace depuis la fin de la guerre froide.
Après avoir présenté chacun des documents vous montrerez dans un premier temps en quoi le New Space est représentatif d’une remise en cause de l’ordre établi pendant la guerre froide ; vous montrerez enfin que l’essor des acteurs privés est à l’origine de nouvelles problématiques
Document 1.
Missions habitées, extraction de minerais, base permanente… la conquête lunaire est la pierre angulaire des programmes spatiaux nationaux.
Document 2.
SpaceX est entrée dans l’histoire, jeudi 12 septembre, avec la toute première sortie spatiale privée, réalisée par deux astronautes non professionnels. Une entreprise risquée, retransmise en direct et visionnée par plus de 2 millions de personnes.
Cette sortie, qui a eu lieu peu avant 13 heures (heure de Paris), a été réalisée par le milliardaire, Jared Isaacman, 41 ans. Après son retour dans la capsule, Sarah Gillis, employée de SpaceX, est également sortie dans l’espace où elle a également effectué des mouvements pour tester les nouvelles combinaisons de SpaceX. Elle est ensuite à son tour retourné à l’intérieur du vaisseau afin de préparer la fermeture de l’écoutille.
« Félicitations au programme Polaris et à SpaceX pour la première sortie spatiale commerciale de l’histoire ! », a écrit le patron de la Nasa, Bill Nelson, sur X. « Le succès d’aujourd’hui représente un pas de géant pour l’industrie spatiale commerciale et le but de long terme de la NASA de mettre sur pied une économie spatiale américaine dynamique. » (…) Les quatre membres de l’équipage ont suivi plus de deux ans de formation pour préparer cette mission historique, qui a notamment englobé des centaines d’heures sur des simulateurs, du parachutisme, de la plongée sous-marine ainsi que l’ascension d’un volcan équatorien.
Au-delà de la sortie dans l’espace, l’équipage doit également tester les communications laser par satellites entre le vaisseau spatial et la vaste constellation de satellites Starlink (1). Ils doivent également réaliser trente-six expériences scientifiques, notamment des tests sur des lentilles de contact intégrant de la microélectronique, pour surveiller notamment les changements de pression oculaire dans l’espace. (…). Polaris Dawn marque une nouvelle étape dans l’exploration commerciale de l’espace, son commandant, Jared Isaacman, défendant l’utilité des investissements privés pour accélérer la conquête du cosmos. Polaris Dawn inaugure le programme Polaris, annoncé il y a deux ans et demi et qui doit comporter trois missions. Après une deuxième, similaire à celle qui est en cours, la troisième devrait être le premier vol avec équipage de la mégafusée Starship de SpaceX, actuellement en développement et destinée à des voyages vers la Lune et Mars.
L’équipage de SpaceX Polaris Dawn réalise la première sortie spatiale privée de l’histoire,
Le Monde, 12 septembre 2024
1. Starlink est un fournisseur d'accès à Internet par satellite de la société SpaceX. Il s'appuie sur une constellation de satellites comportant des milliers de satellites de télécommunications placés sur une orbite terrestre basse.
Pistes de correction
Etape 1. Lire le sujet /Lire et analyser la consigne
Le sujet et la consigne sont centrés sur un sujet d’actualité : le New Space et ses enjeux ; il permet de réinvestir les notions acquises durant l’l’introduction et l’axe 1.
Il convient de définir la notion de New Space tout en l’inscrivant dans le temps (on situe notre réflexion dans le monde post guerre froide marque par l’apparition d’un monde multipolaire) ainsi que la notion d’acteur ; il s’agira de montrer la multiplication des acteurs dans l’espace et de souligner la compétition qui y fait rage.
Etape 2. Prendre connaissance de l’ensemble documentaire
L’ensemble documentaire est constitué d’une caricature et d’un article de presse ; la caricature a été réalisée par le dessinateur français, Alex et a été publié dans le journal Courrier International le 16 mars 2024 ; il évoque de manière humoristique la course à l’espace et plus particulièrement la course à la lune de nos jours.
Le deuxième document est extrait d’un article publié dans le journal Le Monde le 12 septembre 2024. L’article évoque ici le dernier exploit réalisé par Space X, la société d’Elon Lusk, à savoir , la première sortie spatiale privée réalisée par deux astronautes non-professionnels. Les documents, très récents, s’inscrivent dans le contexte post-guerre froide et d’une nouvelle étape dans la course à l’espace, ce que certains appellent le New Space.
On peut contextualiser en rappelant que pendant la guerre froide, la course à l’espace était le fait des deux Grands (Etats-Unis et URSS) ; elle était avant tout une compétition technologique pour des enjeux politiques et géostratégiques. Mais, depuis l’émergence d’un monde multipolaire et avec le contexte économique de mondialisation, y compris dans le domaine de l’innovation, la course à l’espace a changé de nature : elle est devenue une compétition économique aux acteurs multiples, d’où l’apparition d’une nouvelle expression : New Space. . Le terme d’acteurs désigne ici avant tout les Etats qui conservent les moyens scientifiques et économiques pour participer à la course à l’espace mais nous verrons qu’il désigne aussi des investisseurs privés qui s’affirment de plus en plus et qui ont des logiques différentes de celles des Etats.
Comment la conquête puis la maîtrise de l’espace sont-elles devenues les symboles d’une redistribution de la puissance dans un monde multipolaire marqué par les logiques de la mondialisation ? Pourquoi peut-on considérer l’espace comme un nouveau marché commercial dont le contrôle échappe de plus en plus aux Etats ?
Etape 3. Relire la consigne
Etape 4. Identifier et sélectionner les informations
Partie 1. Le New Space : une remise en cause de l’ordre établi pendant la guerre froide
1. Les Etats-Unis, un acteur qui reste incontournable
On peut deviner grâce à la caricature que les Etats-Unis restent la principale puissance spatiale ; l’astronaute semble se reposer sur ses lauriers ; il est possible de rappeler que les Etats-Unis ont été les premiers à envoyer des hommes sur la lune dans le cadre de la mission Apollo 11. Ainsi le 21 juillet 1969, Buzz Aldrin et Neil Armstrong étaient les deux premiers hommes à marcher sur la lune.
Si les Etats-Unis se désintéressent finalement de la lune au début des années 70, ils restent, à ce jour, les seuls à avoir réalisé cet exploit. D’ailleurs les Etats-Unis continuent de dominer le secteur spatial. C’est ce que souligne le document de manière ironique : L’astronaute profite tranquillement de la situation et on peut lire au premier plan Mare Tranquillitatis. Ainsi, Les Etats-Unis semblent attentistes et devraient très rapidement réagir pour faire face aux progrès de ses concurrents . Contrairement à ce que laisse suggérer le document 1, les Etats-Unis continuent d’investir pour rester leader de ce secteur. En effet, les Etats-Unis peuvent s’appuyer sur le poids de leur agence nationale, la NASA, créée à la fin des années 1950 et qui dispose du plus gros budget, bien supérieur à celui de tous ses concurrents. Plus de 50% des dépenses mondiales pour l’espace restent encore américaines (20 milliards de dollars annuels). Il s’agit ainsi pour les Etats-Unis de maintenir leur avance dans le domaine militaire notamment.
Mais l’ordre hérité de la guerre froide est remis en cause, l’astronaute américain semble contrarié. D’autres Etats sont littéralement lancés dans la course et entendent bien s’imposer : on les devine à l’arrière-plan avec leur drapeau.
2. L’affirmation spatiale de nouvelles puissances
On devine sur la caricature que le pays qui semble être en tête dans cette course lunaire, derrière les Etats-Unis, est la Chine ; elle semble avoir pris le dessus sur ses concurrents directs. Elle ambitionne de rivaliser les Etats-Unis d’ici 2040-2050, en particulier dans l’occupation de la lune. Ainsi Le paratexte du document 1 permet de rappeler que la course à la lune est redevenue une priorité aujourd’hui pour de nombreux Etats, alors que les Etats semblaient s’en être désintéressés au début des années 70. La Chine rattrape progressivement son retard dans le domaine spatial et se rapproche des Etats-Unis ; c’est bien ce que nous laisse entendre la caricature ; en effet, elle est désormais capable d’envoyer ses propres satellites de télécommunication ou de géolocalisation ; elle peut ainsi répondre de manière autonome à ses propres besoins (internet, téléphonie, télévision haute définition, géolocalisation). Depuis 2003, elle fait même partie des trois seuls pays au monde (avec les Etats-Unis et la Russie) en mesure d’envoyer des hommes dans l’espace (taïkonautes) et de développer les vols spatiaux habités. Elle dispose désormais (depuis novembre 2022), à l’image de la station spatiale internationale, une nouvelle station en orbite haute de façon permanente (projet Tiangong) ; Il est toutefois possible de nuancer le document 1 : le budget consacré à la conquête spatiale est deux fois plus élevé que celui de la Chine
La Chine n’est d’ailleurs pas le seul pays qui entend jouer un rôle dans le New Space ; On devine les drapeaux européen, japonais et indien. Ces Etats ont également des ambitions spatiales. La caricature oublie cependant un acteur étatique très puissant dans ce domaine et qui a été un des deux acteurs de la conquête spatiale pendant la guerre froide : la Russie. Pourtant, sans la coopération avec la Russie, la Chine ne parviendrait pas à combler aussi rapidement son retard.
Partie 2. L’essor des acteurs privés à l’origine de nouvelles problématiques
1. Des entreprises privées capables de concurrencer les Etats
Longtemps chasse gardée des agences gouvernementales, comme la Nasa, ou de groupements industriels sous contrôle d’Etat (Arianespace), l’espace est en passe de devenir le terrain de jeu d’entreprises privées comme le souligne le document 2 : comme les Etats-Unis, la Russie ou la Chine, la société américaine Space X est capable d’envoyer des hommes dans l’espace et d’y organiser des sorties. Par le passé, elles se sont associées aux Etats pour acheminer du matériel vers la station spatiale internationale (ou plus récemment pour aller y chercher des astronautes). L’exploit réalisé par Space X est d’ailleurs salué par la NASA. Au-delà de l’économie réalisée par les Etats, cette privatisation des vols spatiaux répond à un souhait (depuis la présidence de Barack Obama), des Etats-Unis : concentrer les recherches et investissements de la Nasa sur d’autres objectifs, comme la Lune et Mars. Cette conquête lunaire et martienne est aussi s’envisagée par ces entreprises privées : « la troisième devrait être le premier vol avec équipage de la mégafusée Starship de SpaceX, actuellement en développement et destinée à des voyages vers la Lune et Mars ».
Les Etats doivent donc désormais compter avec l’affirmation de sociétés privées dans le domaine spatial comme le souligne le document 2. Ces dernières sont nombreuses aux Etats-Unis ; ainsi le document 2 évoque la performance de la société privée Space X du milliardaire Elon Musk : « sa société SpaceX est entrée dans l’histoire, jeudi 12 septembre, avec la toute première sortie spatiale privée, réalisée par deux astronautes non professionnels». Les expériences scientifiques évoquées dans le document 2 et menées au cours de cette expédition permettent de mettre au point des technologies et des produits qui pourront être utilisés sur de prochains vols spatiaux ou commercialisés (« son commandant, Jared Isaacman, défendant l’utilité des investissements privés pour accélérer la conquête du cosmos »). Space X n’est pas un cas unique, on peut aussi citer Blue Origin, Virgin Galactic. Grâce à des coûts de fabrication moindres mais aussi grâce à des technologies révolutionnaires (comme les lanceurs réutilisables, ce qui est le cas de la Falcon-9 de Space X), elles peuvent proposer des prix de lancement très compétitifs, comme le montre l’exemple de l’américain Space X. Ces sociétés privées sont longtemps restées dépendantes des Etats et de leurs agences spatiales, notamment en Chine où I-Space, LinkSpace, Longue Marche ou encore Landspace sont très proches de Pékin. Mais, elles s’émancipent de plus en plus et développent leurs propres services spatiaux, ce qui leur permet de gagner de plus en plus de parts de marchés à la fois sur le marché des lancements de satellites (le luxembourgeois SES confiant le lancement de satellites à Space X dès 2012) mais aussi du voyage spatial comme nous le rappelle l’exploit du 16 septembre dernier.
2. L’espace : un secteur commercial comme les autres ?
La privatisation des vols spatiaux conduit donc à s’ouvrir de nouveaux débouchés économiques («« Le succès d’aujourd’hui représente un pas de géant pour l’industrie spatiale commerciale et le but de long terme de la NASA de mettre sur pied une économie spatiale américaine dynamique ». ; si ce service est réservé à une élite, il n’est pas nouveau. En effet, depuis 2001, des « touristes de l’espace » ont pu séjourner dans l’ISS, en versant des sommes colossales. Mais ce nouveau marché est désormais aussi la cible des entreprises privées comme Space X qui à partir de 2021 propose des voyages dans l’espace à des hommes d’affaires qui n’ont rien à voir avec le domaine spatial, militaire ou scientifique. Les entreprises lancées sur le marché sont donc de plus en plus nombreuses, et ambitieuses. Virgin Galactic, créée par Richard Branson, était l’une des pionnières. Une véritable économie privée de l’espace pourrait être en place d’ici 10 à 20 ans, ce qui pose les questions de la privatisation de l’espace et de la pollution spatiale.
Conclusion
L’industrie spatiale reste dominée par les Etats.
Mais les Etats sont de plus en plus nombreux à jouer un rôle dans la conquête spatiale.
Ces Etats sont en compétition et une régulation internationale s’impose (remise en cause du traité sur l'espace de 1967 - même si pour l’instant la militarisation de l’espace n’existe pas).
Une prolifération spatiale accentuée par l’arrivée des acteurs privés (et donc cela pose la question de la privatisation de l’espace ; un espace encore non régulé aujourd’hui)