1917, les Français entre mobilisation et lassitude
article réédité, première publication le 27 mars 2007
Etude d’un ensemble documentaire
1917 : Les Français dans la guerre entre mobilisation et lassitude
Document 1. Lettre d'un soldat, début 1917.
J'ai passé à Rennes une agréable permission, mais j'ai constaté avec surprise que le moral de la population, en général, a bien changé. Autant on prenait son parti de cette guerre il y a seulement quatre mois, autant maintenant on est las et on ne cache plus sa lassitude, tout est épouvantablement cher, on ne trouve plus le nécessaire. Quand donc finira cette guerre demande-t-on ? Des femmes en grand deuil qu'on croise dans la rue pleurent en regardant les poilus du front, d'autres prennent d'assaut les boulangeries municipales; dans les rues on discute ferme, les commentaires sur l'affaire Turmel* vont leur train; quel malheur d'être ainsi gouverné ! Parfois des bagarres éclatent, de petites émeutes mêmes. Une foule de femmes noircies par la poudre s'engouffrent dans les arsenaux. Il y a trois sortes d'heureux mortels que la guerre laisse indifférents. C'est d'abord la nombreuse caste des industriels que la guerre enrichit, ensuite ce sont les vieillards, anciens combattants de 1870 qui n'ont personne au front et parlent patriotisme, enfin en troisième lieu, ce sont des femmes que je ne veux pas qualifier et dont les maris sont au front et qui ont près d'elles des embusqués ou des jeunes hommes imberbes.
Lettre interceptée par le "contrôle postal" de l'armée.
1. Turmel est un député radical-socialiste arrêté en 1917, accusé de défaitisme en même temps que Joseph Caillaux, pour avoir proposé de négocier avec les Allemands.
Document 2. Mutineries dans l’armée française
Le lendemain soir, à sept heures, on nous rassembla, pour le départ aux tranchées. Deux bruyantes manifestations se produisirent, cris, chants, hurlements, coups de sifflets ; bien entendu, l’Internationale retentit ; si les officiers avaient fait un geste, dit un mot contre ce chahut , je crois sincèrement qu’ils auraient été massacrés sans pitié tant l’exaltation était grande. Ils prirent le parti le plus sage : attendre patiemment que le calme soit revenu. On ne peut pas toujours crier, siffler, hurler et , parmi les révoltés, n’y ayant aucun meneur capable e prendre une décision , ou la direction, on finit par s’acheminer vers les tranchées, non cependant sans maugréer et ronchonner.
Bientôt, à notre grande surprise, une colonne de cavalerie nous atteignit et marcha à notre hauteur. On nous accompagnait aux tranchées comme des forçats qu’on conduit aux travaux forcés.
Carnets de Louis Barthas, tonnelier, 1914-1918, La Découverte, 1997
document 3. Affiche pour le 3e emprunt national, 1917
Exercice de la première partie
Le candidat analysera l’ensemble documentaire en répondant aux questions suivantes :
1. Donnez la définition de guerre totale. Montrez que la France est en situation de guerre totale (doc. 1, 2, 3)
On peut dire de la guerre qu’elle est totale car elle mobilise non seulement les soldats sur le front mais aussi et, c’est nouveau, l’ensemble des activités civiles de l’arrière et ce dans l’ensemble des pays européens engagés dans le conflit. société française
La mobilisation est militaire : des millions d'hommes au front ( Doc. 1 "Des femmes en grand deuil qu'on croise dans la rue pleurent en regardant les poilus du front" + image du soldat dans le doc. 3 + doc. 2)
La mobilisation économique : passage à une économie de guerre. L'Etat intervient dans l'économie (dirigisme économique) à la priorité est donnée aux industries d’armement, ce dont certains industriels profitent (Doc. 1 "industriels que la guerre enrichit" "arsenaux" )
+ Appel à la souscription dont l’argent permettra de soutenir l’effort de guerre (affiche pour le 3ième emprunt doc. 3)
La mobilisation de la main d'œuvre. Tous se mobilisent pour les soutenir et participer à l’effort national car il s’agit de «mobiliser » aussi des bras. Les femmes remplacent les hommes aussi bien dans les usines d’armement que dans les mines et les champs. (doc. 1 : "une foule de femme noircie par la poudre s'engouffrent dans les arsenaux")
La mobilisation psychologique (propagande).
Il convient enfin de mobiliser les «esprits» à l’avant comme à l’arrière. Comme bien souvent en temps de guerre, la censure s’exerce afin de contrôler l’ensemble des informations et de maintenir le moral des soldats comme celui des civils. Les opinions publiques subissent un véritable « bourrage de crâne» et les rumeurs vont bon train. L’affiche est un appel à la solidarité ; c’est un appel à l’engagement à l’effort général de toutes les populations. Elle traduit la foi en la victoire. Cette affiche destinée aux civils les incite à faire profiter le pays de leur argent.( doc. 1 : Lettre interceptée par le contrôle postal, "anciens combattants de 1870 qui n'ont personne au front et qui parle patriotisme" + doc. 3 : affiche appelant à l’emprunt )
2. Quel est l'état d'esprit de la population à l'arrière en 1917. Qu'annonce l'affaire Turmel ? (doc. 1)
La population à l'arrière éprouve un sentiment de lassitude : les émeutes, les bagarres se multiplient. Le pacifisme se développe (affaire Turmel).
L'affaire Turmel annonce la fin de l'Union Sacrée née au début de la guerre, c'est à dire le ralliement de tous les partis politiques derrière le gouvernement. Effectivement en les socialistes retournent dans l'opposition en septembre 1917.
3. Comment peut-on expliquer une telle évolution de l‘état d’esprit des populations à l’arrière ? (doc. 1)
La guerre est longue ( "quand donc finira cette guerre ? " )
La guerre est meurtrière : des millions de morts, de blessées ("des femmes en grand deuil…..pleurent…" )
Les conditions de vie quotidienne sont difficiles les Français subissent le rationnement et la hausse des prix (" tout est épouvantablement cher, on ne trouve plus le nécessaire" )
4. Quel était le moral des troupes au front ? Comment expliquez-vous cette situation ? (doc. 2)
L’année 1917 est marquée par des offensives meurtrières et inutiles (le chemin des dames en Champagne en avril 1917) et la guerre est longue. Le moral des troupes est à peu près identique à celui de l'arrière. La lassitude gagne les soldats et les mutineries se développent (entre 30 000 et 40 000 mutins et 554 condamnations à mort).
Exercice de la deuxième partie
À l’aide des réponses aux questions, des informations extraites des documents et de ses connaissances, le candidat rédigera une réponse organisée au sujet : 1917 : Les Français dans la guerre entre mobilisation et lassitude
1917, est une année qui marque un tournant dans la guerre.
I. Une mobilisation des Français qui reste totale
1. la mobilisation militaire
2. La mobilisation économique : passage à une économie de guerre
3. La mobilisation de la main d'œuvre
4. La mobilisation psychologique (propagande)
II. Mais l'année 1917 marque le début d'une certaine lassitude et du doute
1. La situation au front
a. la multiplication des offensives meurtrières et des conditions de vie extrêmes
b. la lassitude et des mutineries
2. La situation à l'arrière
a. la lassitude et le développement d'un courant pacifique
b. une guerre longue et meurtrière (le deuil)
3. La fin de l'union sacrée