Belzec, fragments de mémoire
La programmation est tardive (22h45), mais France 2 consacre jeudi 5 février un
documentaire sur Belzec à ne pas manquer. Le documentaire réalisé par Guillaume Moscovitz (France, 2005), revient sur l'histoire du camp de Belzec
(Pologne) où plus de 600 000 Juifs furent assassinés en 1942.
"Fin 1941, le gouvernement nazi de la Pologne occupée fit construire à Belzec le premier camp d'extermination des juifs. Pendant l'année suivante, des convois ferroviaires y amenèrent des hommes, des femmes et des enfants déportés des ghettos polonais, d'Allemagne et d'Autriche.
Les victimes étaient exterminées dans des chambres à gaz alimentées par des moteurs de camion puis enterrées dans des fosses communes. Entre 600 000 et 800 000 juifs ont été assassinés à Belzec, qui fut le prototype des camps à venir, Auschwitz, Treblinka. Début 1943, les nazis firent déterrer et brûler les cadavres puis détruire les installations de Belzec. A la Libération, il ne restait du camp que quelques vestiges de bâtiments et des fragments de corps humains éparpillés. Trois déportés seulement avaient survécu. L'un d'eux fut assassiné par des antisémites polonais en 1946 alors qu'il témoignait devant la commission d'histoire juive de Lublin, le deuxième est mort au Canada dans les années 1960.
Seule vit à ce jour, en Israël, Braha Ranffmann. En 1942, elle avait 7 ans. Sa mère réussit à la faire sortir du camp. Recueillie par une famille polonaise, elle a passé vingt mois cachée dans un réduit où elle ne pouvait se tenir debout. Belzec, le documentaire de Guillaume Moskowitz, doit donc raconter une histoire deux fois effacée — une première fois, délibérément, par les nazis, une seconde fois par l'écoulement du temps.
Les outils que lui laisse la réalité sont rares : les témoignages d'habitants de la
ville de Belzec qui ont gardé un souvenir direct ou indirect de l'extermination, les tableaux naïfs d'un Polonais qui, semble-t-il, avait assisté à certains épisodes, et surtout le récit de
Braha, la petite fille cachée. Si Guillaume Moskowitz réussit à construire un récit cohérent et terrible, la forme cinématographique qu'il lui a donnée reste en deçà de l'immensité de l'horreur
évoquée. Belzec arrive tard dans l'historiographie du génocide des juifs par les nazis allemands et leurs alliés (les gardes de Belzec étaient Ukrainiens) et doit trouver sa place à
l'ombre du Shoah de Claude Lanzmann. La dette cinématographique de Moskowitz à l'égard de son aîné est évidente — dans sa manière de fouiller instamment un paysage désormais muet, par
exemple. Mais l'équilibre de l'édifice de Lanzmann tenait aussi à la confrontation des paroles, celles des survivants juifs, des témoins polonais et des bourreaux allemands. Ici, Moskowitz doit
se contenter de fragments de mémoire. Le film a le mérite de les préserver.
Thomas Sotinel, Le Monde, 23 novembre 2005
Télécharger la fiche d'exploitation pédagogique proposée par le CNDP