La prépa sans stress
Le Monde publie dans édition du 24 mars un entretien avec Patrice Huerre, chef du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'hôpital d'Antony (Hauts-de-Seine). Il nous livre son analyse de médecin sur les classes préparatoires.
Y a-t-il des profils d'élèves plus adaptés à ce type d'études ?
Les résultats scolaires sont évidemment importants, mais il faut les relativiser selon que l'on envisage une prépa à issue unique comme Ulm, agro (ou encore médecine dont on peut assimiler la première année à une classe préparatoire), ou une prépa scientifique ou économique qui offre plus de chances d'intégrer une école. Ceux qui choisissent la première solution doivent être en tête de classe, pour les autres de bons résultats peuvent suffire.
Il faut aussi avoir de bonnes réserves en capacité de travail. Un élève qui, au lycée, est dans les premiers, mais au prix d'un effort extrême et en ayant déjà renoncé à ses centres d'intérêt, ne pourra pas tenir le rythme de la prépa comparé à un élève qui aurait 13-14 de moyenne en travaillant peu.
En outre, une personnalité encore immature conviendra mieux à ce type d'études qu'un élève déjà aux prises avec des questionnements existentiels et qui n'aura pas la relative soumission nécessaire. Enfin, il vaut mieux que le choix d'une classe préparatoire provienne de l'élève et ne lui soit pas imposé par ses parents. Car quand il sera malmené, il n'y mettra pas le même investissement.
A quoi un élève doit-il s'attendre quand il entre en prépa ?
A une grande claque. Le très bon élève de terminale risque d'être considéré comme nul, car il est en concurrence avec d'autres élèves venus des meilleurs établissements. Dans certains cas, il peut subir des remarques extrêmement négatives et blessantes - "Vous êtes nul", "Quand est-ce que vous partez ?" - de la part d'enseignants. Les notes peuvent énormément chuter. Autant être prévenu à l'avance. Les parents doivent dire à leur enfant que leur valeur propre n'est en rien affectée par leurs notes ; que ce qui compte, c'est ce qui va se passer au concours.
Comment s'organiser face à la masse de travail demandée ?
Tout est fait pour qu'on ne puisse pas parvenir à apprendre tous les programmes. Il faut abandonner cet idéal et se demander comment faire au mieux en identifiant la façon dont on apprend. Cela ne sert à rien d'adapter ses méthodes de travail à ceux qui réussissent. Chaque élève a son propre rythme. Certains travaillent mieux le soir, d'autres le matin. Certains peuvent se concentrer deux heures d'affilée, d'autres doivent faire une pause toutes les demi-heures. Ceux qui ont une mémoire auditive ont intérêt à être extrêmement attentifs pendant les cours. Ceux qui ont une mémoire visuelle à faire des fiches. A chacun d'identifier sa méthode. C'est un grand gâchis que ce ne soit pas fait lors de la scolarité dans le secondaire.
Reste-t-il de la place pour les distractions, les amis ?
Il faut s'autoriser un temps de répit sans avoir mauvaise conscience, le samedi soir par exemple, et s'accorder de petites pauses chaque jour. J'ai reçu une jeune fille qui commençait à déprimer. Elle avait arrêté sa passion, l'équitation, pour se consacrer totalement à ses études. Il est important de cultiver ses centres d'intérêt, pour son équilibre et ses performances. Sans cela, l'élève risque de s'écrouler avant l'arrivée.
Que conseiller aux élèves qui abusent de médicaments ?
Certains élèves abusent de boissons ou de médicaments stimulants pour travailler davantage. Cela induit un état d'excitation progressif peu propice à la concentration, quand il ne rend pas l'endormissement impossible. Du coup, pour compenser ces effets, ils prennent des tranquillisants trouvés dans l'armoire à pharmacie. Ces artifices conduisent sur la durée à un épuisement qui peut compromettre les performances au concours. Une bonne alimentation et un sommeil suffisant sont capitaux. On s'engage dans un marathon, pas dans une course de vitesse. Quant au stress, lorsqu'il devient une gêne, on peut tenter de le maîtriser par des techniques de relaxation, anticiper les oraux par des mises en situation, ou encore respirer profondément deux minutes devant sa copie avant de commencer l'épreuve.
Comment les parents peuvent-ils aider leurs enfants ?
Il faut trouver la bonne distance. Le surinvestissement de l'entourage peut devenir une pression difficile à gérer. Les parents ne doivent pas vibrer au diapason des émotions de leur enfant. Il aura besoin d'être rassuré quand il vivra des moments de doute et de déprime. C'est bien de le cocooner un peu, mais sans en faire le point de focalisation unique de la famille.
Propos recueillis par Martine Laronche, article paru dans l'édition du journal Le Monde du 24 mars 2009
Patrice Huerre, chef du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'hôpital d'Antony (Hauts-de-Seine) , et son fils Thomas, ancien élève de prépa, se proposent, dans un livre (La Prépa sans stress !, Hachette Littératures, 159 pages, 14 €), d'accompagner les étudiants dans cette expérience parfois source d'angoisse.