Charles de Gaulle analyse la situation en Algérie (DS TS1)
Document 1. Le président de la République Charles de Gaulle analyse la situation en Algérie
« On a dit récemment que l’Algérie était la plus française des provinces de France. Plus française que Nice et la Savoie. C’est inepte (1). Nice et Savoie sont peuplées de chrétiens, parlent français, ne se sont pas à cinq reprises soulevées contre la France. (…) En réalité, il y a en Algérie une population dont tout nous sépare : l’origine ethnique, la religion, le mode de vie, et on n’a rien fait pour faire cesser cet état de choses. Les Français d’Algérie veulent bien vivre avec les Arabes à condition qu’ils demeurent dans un état de subordination et non autrement. Eh bien, les Musulmans ne veulent plus de cet état ! Ils veulent se gouverner eux-mêmes et cesser de l’être par les Français seuls. (…) c’est un fait qu’en 1960 l’état des choses actuel qui dure depuis cent trente ans ne peut être prolongé.
Si la France était comme autrefois un mastodonte, peut-être pourrait-elle passer outre, mais elle ne l’est plus. (…) Bien sûr nous pourrions continuer la guerre. Nous en avons déjà tué 200 000. Nous en tuons encore 500 par semaine. Mais où cela nous mènerait-il ? L’armée, qui ne voit jamais plus loin que le bout de son djebel (2), ne veut pas être privée de sa victoire et n’entrevoit comme solution qu’une solution sur le tas et qu’un moyen, casser du fellagha (3). Mais à quoi cela nous mènerait-il si ça réussissait ? A recommencer dans cinq, dans dix ans. Car dans cinq ans, dans dix ans, les Musulmans seront encore plus nombreux que ce qu’ils sont aujourd’hui. »
Entretien de Charles de Gaulle avec Pierre Laffont, porte-parole des pieds noirs libéraux,
25 novembre 1960,
cité par jean Lacouture dans De Gaulle. Le souverain (1959-1970), Le Seuil, 1986.
1. Stupide
2. Montagne
3. Nom donné aux partisans armés soulevés contre l’autorité établie
1. Replacez ce document dans son contexte historique (à la fois à l’échelle mondiale et à l’échelle de l’Algérie et de la France)
Contexte mondial : une décolonisation qui est achevée en Asie et en Afrique du Nord (à l’exception de l’Algérie) et en cours en Afrique noire. La décolonisation est en marche et est inéluctable.
Contexte national : La France est en guerre en Algérie depuis 1954 contre les indépendantistes algériens. Cette guerre a provoqué l’effondrement de la IV° République et la naissance de la V° République : Charles De Gaulle en est devenu le premier Président en 1958.
2. Rappelez quel est le peuplement de l’Algérie ? Comment appelle-t-on ce type de colonie ?
L’Algérie est une colonie de peuplement. Les Européens y sont nombreux : ils représentent environ 13 % de la population. La population arabo-berbère représente donc 87% de la population. De Gaulle parle des Français d’Algérie et des Arabes (ou des musulmans).
3. Expliquez la phrase soulignée. Quelle a été la conséquence de ce constat d’échec ?
De Gaulle constate l’échec de la politique d’assimilation : Les peuples colonisés sont donc sensés pouvoir un jour bénéficié des mêmes droits et devoirs que n’importe quel autre citoyen Français de métropole. Mais dans la réalité, les colonisés, bien que plus nombreux numériquement, restent dans une situation d’infériorité économique et sociale et ne bénéficient d’aucun droit politique : ils ne peuvent donc participer à l’administration de la colonie.
L’échec de cette politique d’assimilation est en partie à l’origine de la guerre d’Algérie. Certains Algériens décident de passer à la lutte armée : le FLN (Front de Libération Nationale) lance les premiers attentats le 1 novembre 1954 (Toussaint Rouge)
4. Comment d’après De Gaulle, les Français d’Algérie envisagent-ils l’avenir de l’Algérie ?
Pour Charles De Gaulle la plupart des Français d’Algérie s’oppose à tout changement de statut, bloquant toutes les réformes que la métropole avait pu envisager. C’est cette frange de la population qui intègre les rangs de l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) et fait des attentats en métropole pour que le gouvernement revienne sur sa politique.
(On peut nuancer un peu ce oint de vue en s’appuyant sur le devoir maison : certains comme Camus considèrent que «Français et Arabes » doivent vivre en bonne intelligence et « s’associer librement », cette opinion a été minoritaire.)
5. Rappelez qu’elle était la position du Général de Gaulle lors de son arrivée au pouvoir en 1958. Quelle analyse le Général de Gaulle fait-il deux ans plus tard dans le deuxième paragraphe ? Pourquoi sa position a-t-elle évolué ? Complétez votre réponse en vous appuyant sur vos connaissances personnelles
Lorsque De Gaulle accède au pouvoir suite aux événements du 13 mai 1958 ; il semble vouloir adopter le point de vue des colons, mais son célèbre « je vous ai compris » est ambigu.
Très vite, il se rend compte de l’impasse dans laquelle se trouve la France. Pour de Gaulle la décolonisation de l’Algérie est donc inéluctable. Ainsi il reconnait le droit du peuple algérien à l’autodétermination (sept.1959). Il développe plusieurs arguments pour justifier sa position.
- le mouvement des indépendances apparaît irréversible et l’œuvre coloniale a été un échec (domination des Français d’Algérie sur des Algériens placés en situation de subordination, le décalage culturel)
- le coût humain (des deux côtés) et l’impasse de la guerre
- l’évolution politique internationale (discrédit international, condamnation à l’ONU de la politique de La France).
D’autres facteurs sont à prendre en considération (non cités dans le texte) :
- le coût financier (qui constitue un frein à la reconstruction de la France)
- l’évolution de l’opinion publique : progressivement l’opinion publique française accepte l’idée que la puissance de la France ne réside plus dans l’empire colonial ; les horreurs de la guerre (notamment en Algérie) sont très vite connues et dénoncées (torture, envoi du contingent).
- la construction progressive de l’Europe (les intérêts de la France sont désormais en Europe --> redéploiement stratégique)