Compte rendu du documentaire : La communication politique sous la V° République (écrit par Jean Michel Gaillard et réalisé par Fabrice Monod et Zac, et produit par Label Télé, avec la participation de France 5 et le concours du CNC) Libre de droits
Ségolène Royal faisant la Une du Sunday Times
La campagne présidentielle est lancée. Comment interpréter toutes ces images qui nous parviennent ?
1. L’élection présidentielle au suffrage universel direct : un lien direct avec les Français
Au lendemain de la décolonisation de l’Algérie, En 1962, Charles de Gaulle, président de la V° république, souhaite renforcer sa légitimité et son autorité. Il fait adopter par référendum une modification constitutionnelle : désormais le président de la République ne sera plus élu au suffrage universel indirect par le Parlement mais directement par les Françaises et les Français. En 1965 a lieu la première élection présidentielle au suffrage universel direct. Désormais un lien direct uni le président et les Français. On assiste à une personnification du pouvoir. Cette situation modifie en profondeur la relation des candidats avec leurs électeurs. La communication va prendre une part essentielle dans la stratégie de conquête du pouvoir.
Les candidats doivent donc convaincre (séduire) les Français de voter pour eux. Les médias (moyens de communication de masse) vont leur permettre de s’adresser directement au plus grand nombre de Français. Parmi ces médias, la télévision joue un rôle incontournable dans la communication des candidats. Alors que le taux d’équipement ne cesse de croître, la télévision permet d’entrer dans le foyer des Français.
Les candidats s’entourent de conseillers en communication. Il s’agit, en répondant aux règles de la publicité, de « vendre » le candidat aux Français. (voir document 1). Les candidats sont à la fois conseiller sur leur image mais aussi sur la manière de s’exprimer .
Conseils sur le discours | Conseils sur l’image |
Travail sur les formules (véritable ré-alphabétisation des candidats (issus des élites) : utilisation d’un français populaire, simple en utilisant un vocabulaire ordinaire (ne pas parler de véhicule mais plutôt de voiture…). Ne pas enchaîner trop d’idées (surtout ne pas être trop intellectuel !!!!) Faire des phrases courtes : sujet + verbe + complément | Bannir les gestes de rupture (se refermer sur soi-même, le poing levé…) Au contraire mettre en avant les gestes d’ouverture et de précision Travail sur le look (éviter les couleur trop ternes [deuil] : apparition de la couleur sur la cravate, apparition en tenue décontractée : image de plus en plus personnelle, intime) |
On assiste donc à un lissage du discours et du paraître et à une uniformisation des candidats. En raison d’une personnalisation forte, le discours se « désidéologise ».
le couple Sarkozy à la Une de VSD
2. Plaire à tout prix ?
Mais la communication présente des limites. Elle repose sur la loi de l’offre et de la demande. Cette demande se mesure grâce aux sondages (Les enquêtes d’opinion font partie des stratégies de communication : on peut évaluer ainsi ce que veulent les électeurs). Un des effets pervers de la communication serait donc d’adapter le discours en fonction des attentes du public et non plus proposer quelque chose aux Français.
Le plan média s’inscrit dans cette logique. Pensé sur le long terme par les conseillers en communication, il consiste à soigner l’image du candidat. Il s’agit de ne pas trop intervenir et surtout intervenir dans les meilleurs circonstances possibles en créant des évènements :
- visite de Mitterrand dans l’intimé d’un couple d’agriculteurs de façon à améliorer l’image du président dans le monde agricole
- émission écrite, pensée par les conseillers en communication de Mitterrand proposée à Y. Mourouzi qui la propose lui-même à son directeur de chaîne (Bouygues) et qui fait ensuite la démarche auprès de l’Elysée et des conseillers du Président qui n’ont plus qu’à accepter une émission qu’ils ont eux-mêmes conçus !!
- les manœuvres du 11 novembre : évènement pensé pour réaafirmer la prééminence de Mitterrand sur Chirac alors 1er ministre
- la mobilisation des artistes et des maires pour appeler Mitterrand à se représenter en 1988.
Chaque média est utilisé en fonction de ce qu’il peut proposer (la presse écrite pour les discours de fond, la télévision pour l’émotion, la radio pour la tendresse….)
Ségolène Royal, invitée du Grand Journal
Avec la fin de l’ORTF et la multiplication des chaînes privées, la télévision répond désormais à des logiques commerciales : faire de l’audience pour attirer les annonceurs publicitaires qui permettent aux chaînes de vivre et de se développer.
Dans la logique commerciale, la place du politique évolue. Les émissions politiques traditionnelles ne font plus d’audience ; les discours politiques sont considérés comme ennuyeux. Elles doivent donc changer de forme. Les candidats avaient auparavant le temps de répondre aux questions, d’argumenter, d’expliquer. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : la logique qui s’impose est celle de la télé-zapping (avec des questions courtes et des réponses courtes) : il ne faut pas lasser le téléspectateur (on organise un show, un véritable spectacle) : l’émission proposée par TF1 et présenter par Patrick Poivre d’Arvoir, J’ai une question à vous poser, respecte ces règles. De plus les politiques doivent accepter de se rendre dans des émissions de divertissement pour essayer d’atteindre leur cible. Le politique est désacralisé, dévalorisé. Désormais les candidats acceptent de livrer leur intimité chez Drucker ou dans le Grand Journal de Michel Denisot. Même Arlette Laguiller est obligée de se soumettre à ce jeu !!
Nicolas Sarkosy, invité du Grand Journal
Document 1. Qu’est-ce qu’une publicité ?
La publicité est un message écrit ou visuel constitué en général d’un slogan, parfois d’un argumentairevantant les qualités du produit. Il est conçu dans le but de faire connaître un produit, d’en accroître la vente. La publicité consiste à éveiller l’intérêt et à faire naître le désir afin de stimuler la demande. Ce sont donc en général les désirs du consommateur plus ou moins conscients, les différents facteurs capables de le séduire qui sont utilisés pour assurer la promotion du produit : sexe, standing, exotisme… Ils sont souvent mis en évidence pour vendre un produit, plus que les qualités du produit lui-même*. Le consommateur ne va donc pas vraiment acheter tel produit pour ce qu’il vaut (parce qu’il est meilleur que celui d’à côté, moins cher…) mais pour ce qu’il symbolise, pour l’image qu’il véhicule.
On peut distinguer :
-- Les publicités axées sur les qualités propres du produit : utilité, fiabilité, sécurité, authenticité, prix… elles rassurent le consommateur.
-- Les publicités axées sur les valeurs véhiculées par le produit : elles éloignent le consommateur de son univers quotidien et le font rêver car elles :
- créent un monde mythique : un monde de réussite, parfait, beau, idéal, exotique, mettant parfois en
scène des personnages, ce qui crée un désir d’identification chez le consommateur.
- se font le porte-parole de « grandes causes » : certains annonceurs choisissent d’utiliser des idéaux pour leur image de marque (écologie, tolérance, solidarité…)
Internet est un des médias qui permet de suivre la campagne. Les candidats s'en saisissent en créant sites et blogs. Contrairement aux médias traditionnels, chaque citoyen peut s'exprimer et donner son avis (avec toutes les dérives que cela peut supposer). Je vous propose quelques liens
Retourvez les différentes campagnes présidentielles sur le site les présidentielles de L'INA
Le site ACRIMED vous livre une analyse des relations entre médias et politiques.
Le Réseau Voltaire a publié une série d'articles. Une petite sélection personnelle :
La première phase de la campagne électorale présidentielle déconcerte. La politique y a cédé la place à une mise en scène de la personnalité des candidats soutenus par les médias. Thierry Meyssan analyse cette dérive qui éloigne la France de la démocratie.
La presse écrite et audio-visuelle française ne cesse de perdre des lecteurs et téléspectateurs alors que ses moyens financiers continuent de progresser. Pour Léon Chibollet, cela ne s’explique que par la ligne éditoriale unique de cette presse, entièrement dévouée à l’Alliance atlantique, comme ses propriétaires, majoritaiement des groupes industriels clients des États.
Le Nicolas Sarkozy nouveau est arrivé. À l’occasion de son investiture par l’UMP, il s’est appliqué à « rassembler son camp » en faisant volte-face sur nombre de sujets, de manière à se distancier de ses parrains états-uniens et israéliens. Mais, rappelle René Naba, ce discours d’un jour ne saurait faire oublier sa longue pratique de mener sa carrière en jouant contre son camp, voire contre son pays.