article réédité (première mise en ligne le 29 avril 2007)
Depuis quelques temps une chanson aux paroles célèbres passe sur nos ondes radio. Le chanteur Ridan propose son interprétation du célèbre poème de Joachim du Bellay, Heureux qui comme Ulysse. Vous pouvez découvrir son
clip en ligne mais aussi relire ci-dessous le sonnet de Joachim du Bellay.
Cet exercice propose de revenir sur ce célèbre poème. Il n'a pas pour vocation d'en faire une analyse littéraire (Celle-ci peut se faire en cours de français).
Appréhendé comme fait historique, Il nous permet de réfléchir sur l'influence de la Renaissance italienne sur Joachim du Bellay et ses amis de la Pléiade.
Exercice 1. La Renaissance italienne, entre fascination et rejet
1. Relevez dans le document 1, les éléments biographiques qui font de Joachim du Bellay un humaniste.
2. Lisez le document 2 et présentez-le (vous insisterez sur le contexte)
3. En quelle langue est écrit ce poème ? Quelle forme littéraire a choisi Joachim du Bellay pour écrire ce poème ? Par qui a-t-il été
influencé dans le choix de la forme ? Pourquoi fait-il ce choix ? (doc. 2 et 3)
4. A quels personnages l'auteur s'identifie-t-il ? Rappelez rapidement de qui il s'agit ? Où puisse-t-il son inspiration ?
(doc. 2 et 3)
5. Quels types de sentiment exprime Du Bellay dans ce poème ? Justifiez. En quoi cela est-il caractéristique de la
Renaissance ? (doc. 2 et 3)
6. Quel double regard porte-t-il sur son pays natal et sur Rome. Justifiez. Que traduit cette perception selon-vous (doc. 2 et 3)
7. A partir du travail réalisé, rédigez une réponse argumentée qui répond au sujet suivant : Comment la suprématie de
la Renaissance italienne a été perçue par Joachim du Bellay ?
Document 1. Du Bellay, poète humaniste
Joachim du Bellay est né en 1522 dans la paroisse de Liré en Anjou. Vers 1545, il effectue des études de droit à l'université de Poitiers et y fréquente un milieu
lettré. Ami de Ronsard depuis 1547, ils fréquentent tous les deux à Paris l'enseignement de l'humaniste Dorat au collège de Coqueret. En 1549, il se fait connaître en publiant Défense et
illustration de la langue française puis jusquà son départ pour l'Italie en 1553, plusieurs volumes de vers. Il passe quatre années à Rome comme secrétaire-intendant de son cousin, le
cardinal Jean Du Bellay. Il en rapporte ses chefs-d'oeuuvre, Les Regrets et les Antiquités de Rome parus en 1558. Dans les 191 sonnets d'alexandrins qui composent
Les Regrets, il chante sa désillusion, sa nostalgie du pays natal en un mot ses « regrets ».
Il meurt deux ans plus tard à Paris.
D'après, Pierre Brunel (dir.), Histoire de la littérature française,
Tome 1, Du Moyen-Age au XVIII° siècle, Bordas, 1986
Document 2. Heureux qui, comme Ulysse...
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau
voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas ! de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux :
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine,
Plus mon Loire Gaulois que le Tibre Latin,
Plus mon petit Liré que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la douceur Angevine.
Joachim Du Bellay, les Regrets, 1558
Document 3. De nouveaux rôles dévolus aux poètes
A la Renaissance, le rôle du poète évolue, il n'est plus simplement là pour distraire la cour. Il affirme sa prétention à être un « génie ». En effet, le
poète apparaît comme un initiateur, comme un prophète inspiré , mais qui doit mériter son génie. Possédé de son art, il doit travailler pour conquérir la gloire, c'est à dire pour
vaincre la mort et gagner l'immortalité.
Le second rôle joué par le poète est le développement des langues vernaculaires. Celles-ci cessent d'être une simple réalité pratique pour devenir un enjeu culturel
et politique. Ainsi, le pouvoir royal adopte en 1539 l'édit de Villers-Cotterêts. Désormais les actes officiels ne sont plus écrits en latin mais en langue française. 10 ans plus tard,
Joachim Du Bellay publie sa Défense et illustration de la langue française. Il exprime dans cet ouvrage les idées de la Brigade, appelée plus tard
Pléiade (1) : un projet littéraire fondé sur l'imitation des Anciens, auxquels on emprunte les formes rhétoriques et dont on imite les genres littéraires, le tout en
Français. Pour y parvenir, il faut enrichir la langue de nouveaux mots, élargir la palette des styles.
Sur ce point, L'Italie avait une longue expérience. En effet, depuis Pétrarque (1304 - 1374), l'humanisme s'était construit sur le
développement simultané des deux langues latine et vernaculaire, tandis que le toscan s'imposait comme la langue littéraire. Dans la constitution d'une littérature nationale, Pétrarque a
donc joué un rôle considérable. Pour certains historiens, il peut être considéré comme le premier humaniste. Philosophe, érudit, il se considérait avant tout comme un poète, un second
Virgile. Il écrivait aussi bien en latin qu'en langue vernaculaire. Il popularisa certains thèmes (expression des sentiments personnels : les élans,
les émois de l'amour insatisfait) et certaines formes d'écriture comme le sonnet. Les poètes de la Pléiade sont les héritiers de Pétrarque dont ils reprennent les formes
littéraires et les thèmes. Ainsi le sonnet est-il introduit en France sous le règne de François Ier mais il n'est pas pratiqué régulièrement avant la Pléiade. Les
auteurs de la Pléiade, apportent leur propres innovations en imposant par exemple la prééminence de l'alexandrin et l'alternance des rimes. Le sonnet est donc une forme fixe travaillée avec
rigueur (deux quatrains et deux tercets, vers écrits en alexandrins, rimes des quatrains qui doivent être les mêmes, et celles des tercets aussi) Il permet de donner à la littérature
française ses lettres de noblesse, de montrer qu'elle peut rivaliser avec les littératures antique et italienne.
(1). Traduisant une volonté de cohérence sociale et d'autonomie culturelle, Les poètes se regroupent en « écoles » : C'est le cas de la
Brigade appelée par la suite Pléiade. Organisé au tour de Ronsard, ce groupe de poètes est composé de Joachim du Bellay, Jodelle, Baïf, Peletier,
Belleau, Pontus. Le terme de Pléiade fait référence à une constellation qui donna son nom, dans l'Antiquité, à un groupe de sept poètes d'Alexandrie. Employé par Ronsard en 1556,
il désigne l'élite de la Brigade, les poètes avec qui il se sentait le plus d'affinités.
D'après, Pierre Brunel (dir.), Histoire de la littérature française,
Tome 1, Du Moyen-Age au XVIII° siècle, Bordas, 1986
Et d'après Gérald Chaix, La Renaissance, des années 1470 aux années 1560, SEDES, 2002