La Bastie d'Urfé : demeure d'un gentilhomme de la Renaissance
La Bâtie d'Urfé (photo personnelle)
Document 1. Claude d’Urfé : gentilhomme de la Renaissance
(Portrait de Claude d'Urfé, vers 1530-1535 par Jean Clouet)
Claude d’Urfé est issu d’un des plus anciens lignages nobles du Forez, les Raybe. Le fondateur de la maison, avant 1 100, paraît dans l’entourage des seigneurs de Semur et dans la fidélité
du comte de Lyon et de Forez. Les Urfé n’entrèrent au service du roi et des princes que vers 1 380, mais y firent ensuite une prodigieuse fortune : charge quasi héréditaire de bailli de
Forez, érection d’Urfé en comté en 1578, rôle éminent joué dans les guerres et dans le domaine des arts et des lettres.
Claude naquit le 24 février 1501 et fut le seul enfant de Pierre d’Urfé[1] et d’Antoinette de Beauvau. A la mort précoce de son père en 1508, Claude entra probablement à la Cour du roi et y fut élevé. Pendant ses années jeunesse à la Cour de France, Claude faisait partie du petit cercle des familiers de François Ier qui se complaisaient autant dans les plaisirs raffinés de la lecture et des arts que dans la poussière des tournois et des champs de bataille, rompant en cela avec la génération précédente des grands seigneurs féodaux qu’illustrait si bien son père. Il côtoyait à la Cour des lettrés et artistes italiens, français ; Très jeune, il participa aux campagnes d’Italie de 1521-1525, jusqu’à la bataille de Pavie.
En 1532, il épousa Jeanne de Balsac [2] qui lui donnera six enfants. Dans ces années 1530, les portraits et peinture le montre très proche du souverain. Il est nommé à la charge de bailli de Forez en 1535 puis au titre de lieutenant de cent gentilshommes de la maison royale en 1537. Claude d’Urfé devait évoluer avec aisance dans le milieu des lettrés et d’humanistes qu’était la Cour de François Ier. Le soin qu’il apporta à l’entretien de sa bibliothèque et le choix du savant programme décoratif de la Bâtie, conçu quelques années plus tard, sont un témoignage de l’appartenance de Claude aux sphères les plus cultivées du temps.
La désignation pour la plus grande mission de sa carrière intervint en 1546[3]. Agé de 45 ans, le roi lui donna commission de le représenter au concile de Trente[4] puis auprès du Pape à Rome. Claude d’Urfé put donner toute la mesure de lui-même dans cette ambassade de cinq au cours de laquelle les séjours en France furent très espacés. Les responsabilités d’un diplomate étaient alors beaucoup plus importantes qu’aujourd’hui à cause de la lenteur des communications. S’il était en rapport constant avec le souverain qui lui donnait ses ordres en personne et à qui il envoyait directement ses rapports, un courrier mettait au moins une semaine entre Rome et Paris. L’activité d’ambassadeur inclut des obligations de représentation, réception de personnalités, intervention dans des affaires qui ne relèvent pas directement de sa mission. Il fréquentait les cercles artistiques qui entouraient les cours princières en Italie.
Nommé à son retour d’Italie à la charge de gouverneur du dauphin, il se devait de veiller à l’intendance de la maison des enfants royaux et d’assurer leur éducation. Il était secondé dans sa mission d’éducation par les plus grands littérateurs du temps comme Joachim du Bellay. Il présidait aux divertissements princiers, à leurs chasses et décidait des réaménagements de leurs appartements. Pendant ces années, il gagna la totale confiance du roi. Il conserva son poste de gouverneur du dauphin jusqu’à sa mort survenue le 12 novembre 1558.
D’après Claude d’Urfé et La Bâtie, l’univers d’un gentilhomme,
sous la direction de Vincent Guichard,
octobre 1990
Document 2. Claude d'Urfé, un proche du roi François Ier
Claude d'Urfé se situe à l'arrière plan. Il est le premier personnage en partant de la gauche (on retrouve ce document p. 132 du manuel)
La lecture de Diodore de Sicile, miniature ornant le manuscrit de la traduction de Diodore de Sicile par l'humaniste Antoine Macault, vers 1530, Chantilly, Musée
Condé
Exercice 1. Claude d’Urfé, gentilhomme de la Renaissance
1. A l’aide des documents 1 et 2, relevez les éléments qui font de Claude d’Urfé un gentilhomme de la Renaissance.
Un homme issu d’une grande famille aristocratique
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Un homme qui a reçu une éducation humaniste
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Un homme qui fréquente artistes et intellectuels de son temps
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Un homme proche et au service du roi
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Un homme engagé dans le débat religieux
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2. Quelle expérience va fortement influencer ses choix dans le réaménagement de la Bâtie (document 1) ?
Exercice 2. De la maison forte au manoir de la Renaissance (télécharger ici la fiche avec les photos)
1. Localisez et situez la bâtie par rapport aux grands foyers de création de la Renaissance (documents 3 [carte p.113] et 4)
2. Qu’était à l’origine la première fonction de la Bâtie (document 4 et document 5) Relevez les éléments architecturaux qui témoignent à la fois de ce passé et aussi de la permanence de cette
fonction.
3. Localisez ces éléments sur la photographie
A.
A. Douves
B. Donjon
C. Corps de logis des gardes
4. En quoi Claude d’Urfé transforme le château familial ? Relevez-en les éléments architecturaux les
plus significatifs. Où puise-t-il son inspiration ? (document 4 et document 5)
5. Localisez ces éléments sur la photographie B
1. Galerie (portique)
2. Loggia
3. Rampe
4. Porche surélevé
5. Grotte
6. Chapelle
7. Bibliothèque et cabinet
6. Reportez sur les bâtiments extérieurs, les éléments décoratifs empruntés à la Renaissance italienne et à la Renaissance française. (Photographie C)
Eléments inspirés de la Renaissance italienne |
Eléments inspirés de la Renaissance française |
A. Portique avec ses arcades B. loggia C. Sphinx D. Pilastres cannelés E. Colonnes corinthiennes F. Fronton G. Colonnes jumelées |
caissons (non localisable sur la photo) H. Toiture en ardoise I. Fenêtres à meneaux J. Lucarne fronton |
Exercice 3. L’intérieur de la bâtie
L’analyse de l’intérieur se fera au cours de la visite. Vous veillerez à prendre des notes et à élaborer un compte rendu sur l’intérieur et le mode de vie d’un gentilhomme de la Renaissance.
Document 4. De la maison forte au manoir de la Renaissance
L’éloignement des grands chantiers du Bassin Parisien, allié au parcours de con commanditaire, font en effet de la Bâtie d’Urfé une des œuvres les plus insolites et les plus fascinantes du XVI° siècle.
La famille Raybe était installée depuis le XII° siècle dans sa forteresse d’Urfé. Cette maison forte typique des XIII° et XIV° siècles était à l’origine une simple plateforme quadrangulaire sur laquelle sont regroupés les bâtiments entourés de larges fossés et équipés d’un pont-levis. La tour carrée trapue, située à l’extrémité nord de l’aile occidentale conserva jusqu’au XIX° siècle ses mâchicoulis de bois. Ce château n’était pas isolé comme aujourd’hui mais entouré d’un grand nombre de bâtiments agricoles (écuries, granges, moulins…) et même de maisons d’habitation.
Les transformations voulues par Claude d’Urfé sont difficile à dater. On sait qu’il a commandité un
certain nombre d’aménagements. Le bâtiment sud est doté d’une toiture haute à la française alors que le rez-de-chaussée est équipé d’une grotte (inspirée de modèles vus en Italie et en France [Fontainebleau]) et d’une chapelle italienne. Il fit construire la
galerie, entièrement inspirée par l’art transalpin. Son esprit est en effet très proche de certaines réalisations florentines de Brunelleschi, tandis que la rampe peut avoir été inspirée par celle du palazzo della Raggione à Vérone. Par la suite, il a également fait réaliser le
jardin dans l’esprit de la Renaissance et son édicule de plan circulaire. Le jardin est entouré d’un mur crénelé.
D’après La Bâtie d’Urfé, collection du nez en l’air, le moutard, 2008
D’après Claude d’Urfé et La Bâtie, l’univers d’un gentilhomme,
sous la direction de Vincent Guichard, octobre 1990
[1] Pierre d’Urfé porta à leur sommet les exploits militaires des Urfé (siège d’Otrante contre les Turcs en 1480, campagne d’Italie en 1494-1495 pour reconquérir le royaume de Naples) et cumula les fonctions de prestige : grand écuyer de France, conseiller du roi Charles VIII, ambassadeur, bailli de Forez en 1487, grand maître de l’artillerie
[2] Jean de Balsac décéda en 1542 à l’âge de 26 ans. Claude paraît ne s’être jamais consolé de sa mort.
[3] Cette mission fut confirmée par Henri II qui succéda à François Ier en 1547.
[4] La nécessité de remettre de l’ordre dans l’Eglise devenait urgente, d’autant que les réformistes ne se privaient pas de dénoncer les abus et les vices des prélats. Il débuta en décembre 1545 et se prolongea 18 ans.