Lettre de Pline le Jeune à Trajan (correction DS, 2nde5)
Document 1. Quelle attitude adopter face aux chrétiens ?
Pline est vers 111-112, gouverneur romain de la province de Bithynie (région située au Nord-Ouest de l’Asie mineure, en Turquie actuelle). Il écrit à l’empereur Trajan pour lui demander son avis.
Maître, (…), je n'ai jamais participé à des informations contre les chrétiens; je ne sais donc à quels faits et dans quelle mesure s'appliquent d'ordinaire la peine ou les poursuites. (…).
En attendant, voici la règle que j'ai suivie envers ceux qui m'étaient déférés comme chrétiens. Je leur ai demandé à eux-mêmes s'ils étaient chrétiens. A ceux qui avouaient, je l'ai demandé une seconde et une troisième fois en les menaçant du supplice; ceux qui persévéraient, je les ai fait exécuter : quoique signifiât leur aveu, j'étais sûr qu'il fallait punir du moins cet entêtement et cette obstination inflexibles. (…). Bientôt, (…), l'accusation s'étendant avec le progrès de l'enquête, plusieurs cas différents se sont présentés.
On m'a remis entre les mains un mémoire sans nom d'auteur, où l'on accuse d'être chrétiens différentes personnes qui nient de l'être et de ne l’avoir jamais été. S’ils invoquaient les dieux (…), si, en outre, ils blasphémaient le Christ - toutes choses qu'il est, dit-on, impossible d'obtenir de ceux qui sont vraiment chrétiens - j'ai pensé qu'il fallait les relâcher. D'autres, dont le nom avait été donné par un dénonciateur, dirent qu'ils étaient chrétiens, puis prétendirent qu'ils ne l'étaient pas, qu'ils l'avaient été à la vérité, mais avaient cessé de l'être, les uns depuis trois ans, d'autres depuis plus d'années encore, quelques-uns même depuis vingt ans. Tous ceux là aussi ont adoré ton image ainsi que les statues des dieux et ont blasphémé le Christ.
D'ailleurs, ils affirmaient que toute leur faute ou leur erreur s'était bornée à avoir l'habitude de se réunir à jour fixe avant le lever du soleil, de chanter entre eux alternativement un hymne au Christ comme à un dieu, de s'engager par serment non à perpétrer quelque crime mais à ne commettre ni vol ni brigandage ni adultère, à ne pas manquer à la parole donnée, (…); ces rites accomplis, ils avaient l'habitude de se séparer, et de se réunir encore pour prendre leur nourriture qui, quoiqu'on dise, est ordinaire et innocente; (…).
L'affaire m'a paru mériter que je prenne ton avis, surtout à cause du nombre des accusés. Il y a une foule de personnes de tout âge, de toute condition, des deux sexes aussi, qui sont ou seront mises en péril. Ce n'est pas seulement à travers les villes, mais aussi à travers les villages et les campagnes que s'est répandue la contagion de cette superstition; (…).
Réponse de Trajan :
Mon cher Pline, tu as suivi la conduite que tu devais dans l'examen des causes de ceux qui t'avaient été dénoncés comme chrétiens. Car on ne peut instituer une règle générale qui ait, pour ainsi dire, une forme fixe. Il n'y a pas à les poursuivre d'office. S'ils sont dénoncés et convaincus, il faut les condamner, mais avec la restriction suivante : celui qui aura nié être chrétien et en aura, par les faits eux-mêmes, donné la preuve manifeste, je veux dire en sacrifiant à nos dieux, même s'il a été suspect en ce qui concerne le passé, obtiendra le pardon comme prix de son repentir. (…)
Pline le Jeune (61-114 ap.J.C.), Lettres, 10.
1. Présentez le document en le situant dans son contexte
Ce document source est l’extrait de deux lettres. La première a été écrite par le gouverneur romain de Bithynie, Pline, le jeune et adressée à l’empereur Trajan. La seconde est la réponse de Trajan à Pline. Ces deux lettres ont été écrites vers 111-112, c’est à dire au cours d’une période où l’empire était encore largement païen et où le christianisme, religion interdite, se propageait dans le bassin méditerranéen. Pline nous informe dans cette lettre sur la propagation du christianisme en Asie mineure et demandait donc à Trajan les modalités des persécutions. Trajan lui répondait en lui définissant la conduite à tenir.
2. Comment les chrétiens étaient-ils identifiés ? Qu’en déduisez-vous sur la manière dont les païens percevaient les chrétiens ? Rappelez, à l’aide de vos connaissances, quels reproches la population faisait-elle aux chrétiens ?
A priori, les chrétiens ne de distinguaient pas des autres individus : ils n’avaient pas de tenue vestimentaire particulière, pas de langue propre et n’étaient pas issue d’une zone géographique spécifique. Les chrétiens été donc identifié sur la base de la dénonciation comme nous l’indique Pline : il parle d’un « mémoire sans nom d’auteur » et de « dénonciateur ». Ils pouvaient être identifiés aussi à l’issue d’actes de tortures contre des chrétiens. Obligés de pratiquer leur culte dans la clandestinité, Les païens connaissaient très mal les chrétiens ; par conséquent ils se méfiaient d’eux et leurs faisaient plusieurs reproches.
Les reproches sont d’ordre politique : Les païens leur reprochent cependant d'être de mauvais citoyens ; en effet se considérant comme "citoyens du ciel" leur religion les empêche de participer à la vie de la cité. Ainsi, un chrétien ne pouvait pas être magistrat romain car il refusait de célébrer le culte des dieux de sa cité. Il ne pouvait pas plus être soldat car il prêche la paix.
Les reproches sont d’ordre social : On leur reproche aussi de ne pas respecter l'ordre social établi. En effet, prêchant, l'amour de tous les hommes, ils admettent dans leur communauté aussi bien les hommes que les femmes, les libres que les esclaves.
Les reproches sont d’ordre religieux : leur religion est qualifié de « superstition »
Les reproches sont d’ordre moral : les païens imaginent que les chrétiens se livrent à la débauche et pratiquent l’inceste. Ils ne comprennent pas le message d’amour de Jésus.
3. Quel reproche Pline faisait-il aux chrétiens ?
Pline reprochait aux chrétiens leur entêtement, leur obstination à s’affirmer chrétiens. Il leur reprochait aussi de ne pas célébrer les dieux et en premier lieu le culte impérial. (reproche politique). Ils remettaient ainsi en cause l’autorité de l’empereur pouvaient provoquer la colère des dieux. Pline qualifie aussi cette religion de superstition.
4. Quelle attitude les autorités romaines (le gouverneur Pline le Jeune et l’empereur Trajan) adoptaient-elles à l’égard des chrétiens dans ce document ? Rappelez, à l’aide de vos connaissances, à quel rythme et dans quelles circonstances se faisaient les persécutions.
On voit ici que les autorités romaines ne savent pas vraiment quelle attitude adopter face au christianisme. Pline est dans l’hésitation. Il n’y a pas de poursuite systématique, pas de chasse aux chrétiens organisée par les autorités romaines. On peut même dire qu’elles font preuve d’une certaine souplesse seuls sont condamnés ceux qui ont avoué ; ceux qui ont renié leur religion sont pardonnés.
En effet, les persécutions ne sont pas systématiques et permanentes. Elles ne surviennent que sous la pression populaire (ce qui semble le cas ici) ou lorsque l’empire est affaibli et qu’il faut chercher des boucs-émissaires. (voir document étudié en classe sur l’incendie de Rome)
5. A quels aspects du message chrétien ou des rites Pline faisait-il allusion dans le document ? Justifiez par des éléments du texte.
Pline fait allusion à plusieurs aspects du message et des rites chrétiens
Aspects du message et des rites chrétiens évoqués par Pline |
Passages du texte |
Messe dominicale |
« l'habitude de se réunir à jour fixe avant le lever du soleil, de chanter entre eux alternativement un hymne au Christ comme à un dieu » |
eucharistie |
« se réunir encore pour prendre leur nourriture » |
10 commandements |
« s'engager par serment non à perpétrer quelque crime mais à ne commettre ni vol ni brigandage ni adultère, à ne pas manquer à la parole donnée » |
6. Que nous apprend ce document sur la propagation du christianisme ? Comment expliquez-vous cette situation ?
On devine grâce à ce document que le christianisme connaît un succès croissant. Ce succès s’explique de plusieurs manières :
- l’action des apôtres, des disciples qui diffusent le message chrétien
- le message de Jésus est universel : il s’adresse à tous (juifs et païens, pauvres et riches, libres et esclaves…)
- le message de Jésus apporte une réponse sur la vie après la mort (la vie éternelle et la résurrection)
- l’abandon de certains rites juifs qui pouvaient effrayer les païens convertis (circoncision)
- l’impact des persécutions et la détermination des chrétiens face aux supplices qui provoquent admiration et conversions.