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Ce blog pédagogique d'histoire-géographie et d'éducation morale et civique (E.M.C.) tire son nom d'un terme issu du parler gaga (le parler stéphanois) ; le cafuron (window in english !) est une lucarne ou un oeil de boeuf éclairant un réduit. Ce blog s'adresse tout autant aux élèves du lycée Jacob Holtzer (Firminy- Loire) qu'à un public plus large. Bonne visite !

03 Apr

1975, Renaud critique dans "Hexagone" une France qui ne tourne plus rond !

Publié par Louis BRUN  - Catégories :  #sortir de la classe

Il y a 40 ans Renaud sortait son album "Amoureux de Paname". A l'intérieur , un titre qui va créer la polémique  et qui sera censuré de l'antenne de France Inter :  " Hexagone".  Il y donne sa propre lecture (pessimiste ? réaliste ?) de l'histoire de France : l'histoire d'un peuple aliéné qui préfère " admirer (...)  l'dernier modèle de chez Peugeot" plutôt que de se révolter.

A réécouter avec plaisir et à méditer !

Paroles

Interprétation

Ils s'embrassent au mois de Janvier,
car une nouvelle année commence,
mais depuis des éternités
l'a pas tell'ment changé la France.
Passent les jours et les semaines,
y a qu'le décor qui évolue,
la mentalité est la même :
tous des tocards, tous des faux culs.

 

Dans ce premier couplet Renaud dénonce le conservatisme  et l'hypocrisie de la société française. Les années passent mais rien ne change.

 

Ils sont pas lourds, en février,
à se souvenir de Charonne,
des matraqueurs assermentés
qui fignolèrent leur besogne,
la France est un pays de flics,
à tous les coins d'rue y'en a 100,
pour faire règner l'ordre public
ils assassinent impunément.

 

Renaud évoque l'état d'amnésie de la société française sur la guerre d'Algérie. Il nous rapelle ainsi un triste épisode, soigneusement occulté : l'affaire de la station du  métro Charonne à Paris. Le 8 février 1962, à l'appel des principales forces syndicales , une manifestation est organisée pour dénoncer les violences de l'OAS (et la menace fasciste) ainsi que la guerre d'Algérie. Interdite, la manifestation est dispersée dans la violence par les forces de l'ordre ; au final 9 personnes y ont trouvé  la mort

 

 

Quand on exécute au mois d'mars,
de l'autr' côté des Pyrénées,
un arnachiste du Pays basque,
pour lui apprendre à s'révolter,
ils crient, ils pleurent et ils s'indignent
de cette immonde mise à mort,
mais ils oublient qu'la guillotine
chez nous aussi fonctionne encore.

 

 

Ici Renaud évoque l'exécution de l'anarchiste Salvador Puig I Antich, membre du MIL (Mouvement ibérique de libération)  le 2 mars 1974. Il dénonce là encore l'hypocrisie des Français qui s'insurgent face à la barbarie du franquisme en Espagne en oubliant que la peine de mort est toujours d'actualité en France (abolie en 1981, la dernière exécution aura lieu en 1977)

 

 

 

Etre né sous l'signe de l'hexagone,
c'est pas c'qu'on fait d'mieux en c'moment,
et le roi des cons, sur son trône,
j'parierai pas qu'il est all'mand.

 

 

Refrain

 

On leur a dit, au mois d'avril,
à la télé, dans les journaux,
de pas se découvrir d'un fil,
que l'printemps c'était pour bientôt,
les vieux principes du seizième siècle,
et les vieilles traditions débiles,
ils les appliquent tous à la lettre,
y m'font pitié ces imbéciles.

 

 

Critique des dictons populaires et du côté conservateur des Français.

 

Ils se souviennent, au mois de mai,
d'un sang qui coula rouge et noir,
d'une révolution manquée
qui faillit renverser l'Histoire,
j'me souviens surtout d'ces moutons,
effrayés par la Liberté,
s'en allant voter par millions
pour l'ordre et la sécurité.

 

Renaud met en parallèle deux évènements de l'histoire de France qui ont tous deux échoué. Il évoque en premier lieu la commune de Paris et sa répression en 1871 par le pouvoir .

Il évoque en second lieu un souvenir personnel : Alors lycéen, il participe aux évènements de mai 68 et c'est avec amertume qu'il se souvient   du succès électoral de la droite aux élections législatives de juin 1968.

 

 

Ils commémorent au mois de juin
un débarquement d'Normandie,
ils pensent au brave soldat ricain
qu'est v'nu se faire tuer loin d'chez lui,
ils oublient qu'à l'abri des bombes,
les Francais criaient "Vive Pétain",
qu'ils étaient bien planqués à Londres,
qu'y avait pas beaucoup d'Jean Moulin.

 

Renaud s'en prend au mythe résistantialiste né dès la libération de Paris ! Selon lui tous les Français affirment être entré en résistance alors qu'en réalité, ils soutenaient activement le régime de Vichy.

Pour lui la véritable résistance est la résistance intérieure à l'image de Jean Moulin. De Gaulle et les autres Français réfugiés à Londres ne sont qu'à ses yeux que des "planqués" !  

 

 

Etre né sous l'signe de l'hexagone,
c'est pas la gloire, en vérité,
et le roi des cons, sur son trône,
me dites pas qu'il est portugais.

 

Refrain

 

Ils font la fête au mois d'juillet,
en souv'nir d'une révolution,
qui n'a jamais éliminé
la misère et l'exploitation,
ils s'abreuvent de bals populaires,
d'feux d'artifice et de flonflons,
ils pensent oublier dans la bière
qu'ils sont gouvernés comme des pions.

 

 

Le 14 juillet et sa commémoration sont l'occasion pour Renaud d'évoquer le caractère inachevé de la Révolution française. Reprenant un vocabulaire très marxiste ("misère", "exploitation") , cette révolution s'est faite au profit au profit de la bourgeoisie et non du prolétariat. On peut ici assimiler les bals, les feux d'artifices, les flonflons, la bière à la politique de l'empire romain qui par "du pain et  des jeux" détournait le peuple de l'action politique.

 

 

Au mois d'août c'est la liberté,
après une longue année d'usine,
ils crient : "Vive les congés payés",
ils oublient un peu la machine,
en Espagne, en Grèce ou en France,
ils vont polluer toutes les plages,
et par leur unique présence,
abîmer tous les paysages.

 

 

Renaud évoque les "congés payés". Ils sont présenter comme un facteur de paix social : Ils permettent aux français d'accepter leur situation d'ouvriers exploités  et surtout de ne pas se révolter.

C'est aussi une évocation du tourisme de masse et de ses conséquences négatives  

 

Lorsqu'en septembre on assassine,
un peuple et une liberté,
au cœur de l'Amérique latine,
ils sont pas nombreux à gueuler,
un ambassadeur se ramène,
bras ouverts il est accueilli,
le fascisme c'est la gangrène
à Santiago comme à Paris.

 

 

C'est ici une évocation du coup d'Etat de Pinochet au Chili (11 septembre 1973). Salvador Allende, président démocratiquement élu est renversé à  l'issue d'un coup d'Etat militaire (soutenu par la CIA). Il déplore la faible réaction des Français face à cette atteinte à la liberté et à la démocratie.

 

Etre né sous l'signe de l'hexagone,
c'est vraiment pas une sinécure,
et le roi des cons, sur son trône,
il est français, ça j'en suis sûr.

 

 

Refrain

 

Finies les vendanges en octobre,
le raisin fermente en tonneaux,
ils sont très fiers de leurs vignobles,
leurs "Côtes-du-Rhône" et leurs "Bordeaux",
ils exportent le sang de la terre
un peu partout à l'étranger,
leur pinard et leur camembert
c'est leur seule gloire à ces tarrés.

 

 

Après avoir évoqué toute une série d'évènements dans les strophes précédentes, Il est consterné face au manque d'ouverture d'esprit des Français, pour qui seuls le vin et le fromage constituent un élément de fierté nationale !

 

En Novembre, au salon d'l'auto,
ils vont admirer par milliers
l'dernier modèle de chez Peugeot,
qu'ils pourront jamais se payer,
la bagnole, la télé, l'tiercé,
c'est l'opium du peuple de France,
lui supprimer c'est le tuer,
c'est une drogue à accoutumance.

 

 

 

 

 

 

 

C'est à nouveau une critique du conformisme et de la passivité des Français. On peut rapprocher ces deux derniers couplets au couplet consacré aux "congés payés".

Le temps des révolution est révolu ! elles ont échoué ou sont inachevées !

 

En décembre c'est l'apothéose,
la grande bouffe et les p'tits cadeaux,
ils sont toujours aussi moroses,
mais y a d'la joie dans les ghettos,
la Terre peut s'arrêter d'tourner,
ils rat'ront pas leur réveillon;
moi j'voudrais tous les voir crever,
étouffés de dinde aux marrons.

 

 

Etre né sous l'signe de l'hexagone,
on peut pas dire qu'ca soit bandant
si l'roi des cons perdait son trône,
y aurait 50 millions de prétendants.

 

Refrain

 

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