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Lancé en 2006, ce blog pédagogique d'histoire-géographie et d'éducation morale et civique (E.M.C.) tire son nom d'un terme issu du parler gaga (le parler stéphanois) ; le cafuron (window in english !) est une lucarne ou un oeil de boeuf éclairant un réduit. Ce blog s'adresse tout autant aux élèves du lycée Jacob Holtzer (Firminy- Loire) qu'à un public plus large. Bonne visite !

12 Apr

« Du soleil, de l’espace, de la verdure » : Le projet Le Corbusier, traces de la rénovation urbaine des années 60

Publié par Louis BRUN  - Catégories :  #Patrimoine local

Le centre Georges Pompidou s'apprête à célébrer le 50° anniversaire de la mort de Le Corbusier en lui consacrant  une grande exposition ; alors que plusieurs ouvrages reviennent sur son passé fasciste (voir liens ci-dessous),   je vous propose de redécouvrir un article publié en novembre 2006. 

 

1. Les principaux acteurs du renouveau urbain : Claudius Petit et Le Corbusier 


Ancien résistant et ancien ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, Eugène Claudius Petit (1907 –1989) est élu maire de Firminy en 1953. Il doit faire face à une grave crise urbaine alors que sa population continue d’augmenter fortement.

En effet, ville industrielle, Firminy apparaît comme la « capitale des taudis » et est confronté à de graves problèmes d’insalubrité, de promiscuité. Huit logements sur dix ne disposent pas de toilettes à domicile. Dans les quartiers centraux, les logements sont surpeuplés. Les Appelous doivent vivre dans des maisons serrées, privées d’espace, avec des cours exiguës. La voirie n’est pas adaptée à la voiture : il est difficile de circuler et de stationner alors dans Firminy. Les piétons doivent circuler sur des trottoirs délabrés. Les services publics étaient insuffisants où logés dans des locaux inadaptés. L’équipe municipale et Eugène Claudius Petit lancent donc un vaste plan d’urbanisme dans le but de moderniser la ville.

Eugène Claudius en appelle à Le Corbusier, dont il a fait la connaissance quelques années auparavant lors d’une traversée transatlantique.


Charles-Edouard Jeanneret dit Le Corbusier (1887 – 1965) est déjà un architecte reconnu. Auteur de la Charte d’Athènes en 1934, il y définit les grands principes qui guident son œuvre. Ainsi pour lui, une ville doit satisfaire quatre fonctions de base : habiter, travailler, circuler et se récréer. Ses principales qualités sont résumées dans l’expression « soleil, espace, verdure ». L’architecture moderne, telle qu’il la définit, combine un plan et une façade libre (l’absence de murs porteurs permet d’aménager l’espace sans contrainte ), les pilotis (qui limitent le contacte avec le sol et ouvrent le paysage), les fenêtres en longueur (pour favoriser l’entrée du soleil) ainsi que le toit terrasse (qui permet d’optimiser l’utilisation de l’espace). Il privilégie comme matériaux le bois, le verre et le béton. Sa réflexion ne se limite pas à l’architecture et s’élargit à l’urbanisme. Il pense la ville pour l’adapter au monde moderne.

Sur ces principes, Il entreprend avec ses collaborateurs la rénovation urbaine de Firminy.

Le centre civique (au premier plan la maison de la culture ; au deuxième plan le stade avec dans la verdure la piscine ; au troisième plan l’Eglise en cours d’achèvement), cliché personnel, mai 2006

Le centre civique (au premier plan la maison de la culture ; au deuxième plan le stade avec dans la verdure la piscine ; au troisième plan l’Eglise en cours d’achèvement), cliché personnel, mai 2006

2. De Firminy ville noire à Firminy-Vert 


Réalisé d’après les principes de la charte d’Athènes, Firminy-Vert apparaît comme un projet novateur pour l’époque. Distingué par le grand prix national d’urbanisme en 1961, ce quartier de plus de 1000 logement se distingue des grands ensembles qui sont alors construits un peu partout dans les grandes villes françaises. Afin de respecter les principes de la charte d’Athènes, qui prévoyait 12% de bâtis pour 88% d’espaces verts, Le Corbusier fait le choix de la verticalité. Il libère de l’espace pour créer de vastes espaces verts où les piétons peuvent circuler en toute tranquillité à l’écart des voies réservées aux véhicules. Les immeubles sont disposés en respectant les courbes de relief et constitue un élément du paysage. Le design est partout présent comme par exemple un étendage qui sert à la fois de rond point, de sculpture et de jeux d’enfants. Ce quartier abrite également une caserne de pompiers, un centre commercial et des écoles.

Ce nouveau quartier doit s’intégrer avec l’ancienne ville. Afin de permettre aux habitants de la vieille ville et de la nouvelle de se rencontrer un centre civique est créé, tels ceux que l’on pouvait rencontrer dans la Grèce antique. Il s’agit de favoriser l’épanouissement du corps et de l’esprit. Il se compose de la maison de la culture, du stade et de la piscine ainsi que de l’Eglise.
La maison de la culture (1961 – 1965) se présente sous la forme d’un édifice de 112 mètres de long. Soutenu par des câbles, le toit ne repose sur aucun mur : l’aménagement intérieur est donc libre et modulable. Les murs de la façade Est sont parcourus de pans de verre ondulatoires de toutes les couleurs qui respectent une certaine musicalité et permettent des jeux de lumière. Afin de libérer le regard, pour que celui-ci puisse profiter du paysage, on y accède par une rampe. Elle accueille spectacles, expositions, concerts ainsi qu’une école de musique.
Le stade fait partie du même ensemble architectural que la maison de la culture. Située dans une ancienne carrière, sa tribune peut accueillir 4 000 spectateurs.

Le chantier de l’Eglise Saint Pierre a été perturbé et ne s’achève qu’aujourd’hui. Le premier niveau servira d’antenne du musée d’art moderne de Saint-Étienne ; quant au deuxième niveau, par lequel on accède par une rampe, il servira à titre exceptionnel de lieu de culte. Il se caractérise par une spirale qui monte jusqu’au sommet de l’édifice, créant une atmosphère spirituelle. Les trous représentant la constellation d’Orion sur la façade Est permettent des effets lumineux très particuliers à l’intérieur de l’édifice

Firminy-Vert dans la verdure et au dernière plan, l’unité d’habitation, cliché personnel, mai 2006

Firminy-Vert dans la verdure et au dernière plan, l’unité d’habitation, cliché personnel, mai 2006

Chemin d’accès traversant le quartier de Firminy-vert, cliché personnel, mai 2006

Chemin d’accès traversant le quartier de Firminy-vert, cliché personnel, mai 2006

3. L’unité d’habitation : « la verticalité salvatrice contre une horizontalité proliférante » 

L’unité d’habitation s’inscrit dans un deuxième plan d’urbanisme (1964). Ce projet prévoyait la réalisation de trois unités d’habitation mais en raison de la crise économique et du déclin démographique, une seule est réalisée. Même si le bâtiment a été construit selon des normes et un budget HLM, Il s’agit de la plus grande des cinq unités d’habitation réalisées par le Corbusier dans le monde.
Situé sur les hauteurs de Firminy-Vert, on peut y accéder par une voie piétonne ombragée. Orientée Est-Ouest, les façades peuvent profiter au maximum de la lumière. D’ailleurs ce souci de la lumière se retrouve dans la technique utilisée. La structure porteuse est constituée de pilotis, ce qui autorise la présence de nombreuses baies vitrées. Grâce aux pilotis, le bâtiment se détache du sol et le regard peut librement observer le paysage au-delà du bâtiment.

Cet immeuble se singularise par le fait qu’il s’agit d’une sorte de village avec une seule porte d’entrée pour que les voisins puissent se connaître et se rencontrer ; le bâtiment possède également sur son toit une école qui occupe un espace important (4 classes, 1 réfectoire, une grande cour). L’espace y était modulable au gré des activités. Elle est fermée en 1998. L’unité d’habitation aurait dû accueillir un restaurant collectif que les habitants auraient pu contacter par l’intermédiaire d’une ligne téléphonique interne ainsi que de nombreux clubs d’activités. Tout était fait pour que les habitants puissent se connaître et se rencontrer.

L’unité d’habitation abrite 414 logements. Le Corbusier souhaitait loger le maximum d’ouvriers dans les meilleurs conditions possibles. Les appartements, dimensionnés selon le principe du modulor (un homme de 1, 83 mètre mesurant 2, 46 mètres les bras levés) sont répartis le long de rues (une rue pouvant s’étendre sur deux étages). Ils s’emboîtent les uns les autres comme un puzzle.
Aujourd’hui la première rue est transformée en résidence destinée aux étudiants en architecture. Inoccupée la partie nord de l’unité est aujourd’hui cédée à des prometteurs privés.
 

Grâce à cette collaboration originale, Firminy dispose aujourd’hui du deuxième plus grand site Le Corbusier au monde. Elle a été une réponse, à un moment donné, aux graves problèmes d’aménagement urbain que connaissait Firminy.

 

L’unité d’ habitation, cliché personnel, mai 2006

L’unité d’ habitation, cliché personnel, mai 2006

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