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Lancé en 2006, ce blog pédagogique d'histoire-géographie et d'éducation morale et civique (E.M.C.) tire son nom d'un terme issu du parler gaga (le parler stéphanois) ; le cafuron (window in english !) est une lucarne ou un oeil de boeuf éclairant un réduit. Ce blog s'adresse tout autant aux élèves du lycée Jacob Holtzer (Firminy- Loire) qu'à un public plus large. Bonne visite !

07 Dec

Les Kebabs à Firminy : une première approche de la sociologie des Kebabs

Publié par Louis BRUN  - Catégories :  #première, #Projet Parcours d'immigrés

Dès janvier 2024, les élèves de 1ière 1 du lycée Jacob Holtzer participeront, en partenariat avec Antoine Guirimand (documentariste radio),  à un projet radio consacré à la sociologie des Kebabs. Ce projet s'articule avec les travaux de recherche de Catherine Gauthier, socio-anthropologue. 

Ce projet est financé par le pass culture. 

Quelle place occupent les Kebabs à Firminy ? Comment expliquer ce phénomène ?

 

1. Faites une analyse des noms des restaurants Kebab de Firminy et dites de quoi est révélatrice leur toponymie (1) (document 1)

2. A l’aide du document 2, tentez d’expliquer ce phénomène.

3. A l’aide de google maps, tentez de localiser ces différents établissements de restauration à l’échelle urbaine, que pouvez-vous constater ?

4. Sachant que la population de Firminy est estimée à environ 17 000 habitants, calculez le taux de densité des Kebabs à Firminy (nombre de kebabs pour 10 000 habitants) et indiquez le constat que vous pouvez dresser (documents 1 et 3).

5. A l’aide des documents 2, 4 et 5, tentez d’expliquer le double phénomène mis en évidence par les questions 3 et 4.

6. Dites en quoi le document 6 permet de mieux comprendre ce  que peuvent représenter les Kebabs à Firminy.

 

1. Toponymie : Étude des noms de lieux, de leur étymologie.

Document 1. Liste des principaux kebabs à Firminy
Document 1. Liste des principaux kebabs à Firminy
Document 1. Liste des principaux kebabs à Firminy
Document 1. Liste des principaux kebabs à Firminy
Document 1. Liste des principaux kebabs à Firminy
Document 1. Liste des principaux kebabs à Firminy
Document 1. Liste des principaux kebabs à Firminy
Document 1. Liste des principaux kebabs à Firminy
Document 1. Liste des principaux kebabs à Firminy
Document 1. Liste des principaux kebabs à Firminy

Document 1. Liste des principaux kebabs à Firminy

Document 2. Le kebab, un sandwich (et un commerce) communautaire ?

 

Si, dans les représentations collectives, les kebabs ont été associés à l’immigration maghrébine, c’est la communauté turque qui a joué un rôle déterminant dans l’essor des kebabs en France. Inventé à Berlin par un immigré turc au début des années 1970 selon la légende historique, ce type de restauration a progressivement essaimé en France, d’abord en Alsace, région frontalière de l’Allemagne et abritant une importante communauté turque, puis sur l’ensemble du territoire national. Le nombre d’établissements a connu une forte croissance dans les années 1990, période correspondant à l’arrivée en France de flux de populations importantes en provenance de Turquie. (…). Cet investissement massif de la communauté turque dans cette filière de restauration s’est traduit par un changement de dénomination dans le langage courant. Ce type de sandwiches avait, en effet, tout d’abord acquis une certaine visibilité, notamment en région parisienne, grâce au rôle de restaurateurs grecs du quartier latin qui servaient une clientèle d’étudiants, de touristes et de noctambules. En France, le nom originel d’usage fut d’abord « sandwich grec » ou « grec » (…) avant que, progressivement, sous l’effet de la montée en puissance des Turcs dans cette filière, le terme de « kebab » s’impose. 

Une forte densité de kebabs dans certaines petites villes trahit souvent la présence d’une communauté turque importante. (…) Quand l’industrie locale a disparu ou a réduit de manière importante ses besoins en main-d’œuvre, des membres de la communauté turque se sont lancés dans l’entrepreneuriat en privilégiant le BTP, le petit commerce et la restauration, c’est tout naturellement que certains ont opté pour les kebabs. Toutes choses étant égales par ailleurs, on peut penser que le restaurant kebab dans la communauté turque a joué et joue le même rôle que le job de chauffeur Uber dans les communautés maghrébines et africaines en Île-de-France et dans quelques grandes agglomérations. Ils offrent la possibilité de s’établir à son compte sans avoir un apport financier important, un niveau de diplôme élevé ou un réseau relationnel étoffé.

 

Jean-Laurent CasselyJérôme FourquetSylvain Manternach,

Des dimensions politique, socioculturelle et territoriale du kebab en France, 05 octobre 2019, Fondation Jean Jaurès,

https://www.jean-jaures.org/publication/des-dimensions-politique-socioculturelle-et-territoriale-du-kebab-en-france/

Document 3. Taux de vacance commerciale et nombre de Kebabs pour 10 000 habitants

Document 3. Taux de vacance commerciale et nombre de Kebabs pour 10 000 habitants

Document 4.  Le kebab, révélateur de la crise des centres-villes.

 

On peut distinguer plusieurs terres d’élection des restaurants de kebab en France :

Les quartiers populaires de grands ensembles situés en banlieue des villes, où se concentre une importante population d’immigrés et de Français descendants d’immigrés, des zones marquées à partir des années 2000 par la visibilité accrue de l’islam. Dans ces quartiers, souvent peu fournis en commerces, le kebab est devenu une sorte de foyer communautaire, jouant un rôle assez comparable à celui du café traditionnel.

Aux abords des grandes places et artères commerçantes des grandes villes, dans lesquels les kebabs remplissent une fonction de cantine peu onéreuse pour les repas de midi et les fins de soirée, en particulier dans les villes étudiantes. L’implantation des kebabs peut dans certains cas être proche de la « rue de la soif » locale et souvent des gares, quartiers concentrant une vie nocturne.

Les centres commerçants des villes petites ou moyennes, et en particulier celles qui subissent un déclin de leurs petits commerces. (…)

Or, curieusement, ce dernier phénomène de déprise commerciale des centres-villes n’a été que faiblement associé au développement de la présence des kebabs dans ces quartiers (…). Pourtant, la vague d’ouverture des kebabs correspond à la période d’ouvertures frénétiques des centres commerciaux de périphérie : les années 1980 à 2000. Pourtant, une des causes de la désertification commerciale des centres de certaines villes moyennes françaises est la concurrence directe que représentent ces pôles de commerce extérieurs, très facilement accessibles en voiture (et dont les parkings sont gratuits) et regroupant sur un même site une grande variété de commerces d’abord alimentaires, puis vestimentaires et spécialisés (sport, bricolage, automobile, loisirs, maison) et étant plus récemment devenus des pôles de restauration accueillant toute la gamme des enseignes franchisées, du McDonald’s au Léon de Bruxelles.

Abordé par la grille de lecture urbanistique et commerciale (…),  le kebab se révèle être un indice de dévitalisation commerciale (…).

(…). Le restaurant turc est (…) un indice, un révélateur de crise urbaine, pour une raison simple : (…) il a les moyens de résister plus longtemps grâce à son ergonomie, puisqu’il s’agit du seul format de restaurant dont la cuisine est intégrée à la salle principale, et à son business model, puisque l’univers du kebab est, contrairement au reste du secteur de la restauration rapide, très peu franchisé (les gérants de kebabs n’ont pas à payer de lourdes redevances ou des frais à des enseignes). En outre, il propose un mode de restauration peu onéreuse (à la fois pour le restaurateur et pour ses clients) qui en fait une sorte de commerce de crise.

 

Jean-Laurent CasselyJérôme FourquetSylvain Manternach,

Des dimensions politique, socioculturelle et territoriale du kebab en France, 05 octobre 2019, Fondation Jean Jaurès,

https://www.jean-jaures.org/publication/des-dimensions-politique-socioculturelle-et-territoriale-du-kebab-en-france/

 

 

Document 5. Dans la Loire, Firminy peine à enrayer la spirale de sa désindustrialisation.

Document 6. Le kebab, dernier sandwich populaire.

 

Alors que les lieux qui accueillaient traditionnellement les budgets limités augmentent leurs prix, l’image même associée au sandwich évolue au tournant des années 2000 et 2010. C’est curieusement dans ces années d’après-crise que la vague de la sandwicherie haut de gamme, la street food, fait une entrée remarquée en France. (…).

Les plats « canailles », de cuisine ménagère ou de grand-mère, sont en parallèle redécouverts, réinterprétés et « sublimés » par les membres d’une nouvelle génération de chefs, autour du mouvement de la bistronomie. C’est en fait tout l’univers de la restauration populaire qui s’est progressivement déplacé vers les goûts et les budgets des classes moyennes et supérieures. Dans ce contexte, le jambon-beurre au comptoir accompagné de sa bière à la pression migre du quotidien vers la pop culture, quand le hamburger est touché par un phénomène de gentrification. (…). Un sondage réalisé par l’Ifop révèle que les membres des catégories supérieures surconsomment tous les formats de restauration, de la brasserie traditionnelle à l’enseigne de sushis en passant par les fast-foods et même les fameux kebabs (…). Mais les résultats obtenus montrent également que le kebab est très clairement, à l’instar des fast-foods et des chaînes de pizza, un plat de jeunes. C’est dans la tranche d’âge des 18-24 ans que le taux de fréquentation de ces formats de restauration rapide explose, avec 91% de membres de cette génération qui se rendent au moins de temps en temps dans un fast-food comme McDonald’s ou Subway, contre 63% pour l’ensemble des Français, 73% qui fréquentent une chaîne de pizza (comme Pizza Hut, Domino’s) contre 55%, et enfin 78% qui se rendent dans un kebab, contre 46% des Français. Ainsi, même si le kebab est loin d’avoir atteint le taux de pénétration des fast-foods, c’est dans ce type de restaurants que l’écart entre les plus jeunes et le reste de la population est le plus marqué : +28 points entre les 18-24 ans et l’ensemble de l’échantillon pour les fast-foods contre +32 points pour le kebab !

(…). Alors que kebabs et snacks sont plutôt situés dans les centres commerçants de la vieille ville, les autres options populaires se trouvent désormais aux abords des villes, accessibles uniquement en voiture dans les zones commerciales construites aux abords d’une nationale, d’une rocade ou d’une sortie d’autoroute. (…). Dans ce contexte, le kebab reste le sandwich des assignés à la ville, de ceux qui ne disposent pas d’une voiture pour se rendre dans un centre commercial souvent éloigné du centre et mal desservi (…)

Au final, la longévité du kebab et sa bonne résistance aux bouleversements sociaux, démographiques et commerciaux des dernières années peut s’expliquer par sa capacité à s’adapter au contexte de la restauration française. Dans un mémoire consacré aux kebabs du Grand Paris, Marion Le Crom indique ainsi que les entrepreneurs locaux ont développé un « kebab à la française ». C’est le cas du produit lui-même : « créé par l’influence mutuelle de plusieurs cultures, à la fois turque, allemande mais également française, le sandwich a su s’adapter au goût de la clientèle locale. Il est ainsi devenu au fil des années un produit français à part entière, la France étant un des seuls pays à manger le kebab avec des frites. »

Par ailleurs, sur le plan de l’aménagement intérieur et extérieur des restaurants, « il existe un modèle français de kebab », « la forte présence de tables dans les kebabs » étant « une particularité très française » : « Ce modèle est en particulier lié à l’organisation spatiale du restaurant. Le peuple français est considéré comme celui qui passe le plus de temps à table et à des heures qui restent plus ou moins fixes. Cette particularité se retrouve dans la conception même du kebab français et grand-parisien et dans ses lieux de vente. Dans chaque restaurant kebab ou presque on trouve au minimum deux ou trois places assises afin de permettre aux clients de s’asseoir. La capacité des kebabs grand-parisiens varie dans une moyenne de 8 à 20 tables, soit entre 16 et 40 places assises. »

 

 

Jean-Laurent CasselyJérôme FourquetSylvain Manternach,

Des dimensions politique, socioculturelle et territoriale du kebab en France, 05 octobre 2019, Fondation Jean Jaurès,

https://www.jean-jaures.org/publication/des-dimensions-politique-socioculturelle-et-territoriale-du-kebab-en-france/

Pour aller plus loin

Les Kebabs à Firminy : une première approche de la sociologie des Kebabs
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